02 septembre 1792: Massacres de septembre
« Un cri général se fait entendre : Volons à l'ennemi! Mais nos ennemis les plus cruels ne sont pas à Verdun. Ils sont à Paris dans les prisons. Nos femmes, nos enfants, les laisserons-nous à la merci de ces scélérats? Eh bien! frappons avant de partir! Courons aux prisons!... Ce cri terrible, j'en atteste tous les hommes impartiaux, retentit à l'instant d'une manière spontanée, unanime, universelle, dans les rues, dans les places publiques, dans tous les rassemblements »
Dans les sections, le plan se dessine et se formule, nous en avons des preuves directes et indirectes pour les sections Poissonnière, du Luxembourg, des Thermes, des Postes.

Une vue de l'édifice est reproduite dans Paris à travers les âges (Paris, 1875-1882 in-fol.), d'après Manesson Mallet (1702), Il, 5e liv., p. 7), une autre dans Paris historique, par Charles Nodier (Paris, 1839, in-8), II, p. 2; une autre enfin, mais très médiocre, dans les Révolutions de Paris, de Prudhomme, n° des 2-8 août 1789.
C'est en 1631 suivant les uns, en 1635 suivant les autres, et probablement de 1631 à 1635, que fut construite par les soins de l'architecte Gamart la prison devenue célèbre sous le nom de prison de l'Abbaye. Elle était située à l'extrémité sud-est de l'enclos du monastère; une de ses faces, la face sud, était en bordure sur la rue Sainte Marguerite, aujourd'hui rue Gozlin; l'autre, la face est, formait en retour d'équerre un des côtés de la place Sainte-Marguerite. L'emplacement de la construction est occupé de nos jours par le boulevard Saint-Germain; on peut le retrouver sans peine sur un plan en prolongeant l'axe de la rue Gozlin et celui de la rue de Furstemberg; c'est à peu près au point d'intersection de ces deux lignes que se trouvait autrefois la prison.
Une Vue septentrionale [cavalière] de l'abbaye de Saint-Germain des Prés [...] au commencement du XVIIIe siècle reproduite dans l'Histoire générale de Paris (Topographie historique du vieux Paris, par Berty et Tisserand; Paris, 1876, in-4, p. 129) permet de se rendre compte de la position de cet édifice par rapport aux autres bâtiments de l'abbaye. C'était une construction carrée, massive et basse : dans le principe elle devait avoir deux étages au plus, mais elle fut considérablement surélevée au XVIIIe siècle, ainsi qu'en témoignent les dessins contemporains. A chaque angle se trouvait une tourelle en échauguette : c'est d'une de ces tourelles, sans doute celle du sud-est, que le prisonnier Jourgniac de Saint-Méard assista aux massacres des 2 et 3 septembre 1792.
L'édit de février 1674, qui supprima les seize justices ecclésiastiques existant dans Paris, et l'arrêt du 21 janvier 1675, qui repoussa toutes les réclamations de l'abbaye de Saint-Germain des Prés en restreignant à l'enclos du monastère la juridiction de l'abbé, firent perdre à la prison abbatiale son caractère et sa raison d'être. Vers la fin du XVIIe siècle, par suite d'un contrat entre l'abbaye et l'Etat, dont la date est ignorée, l'édifice fut affecté à la détention des militaires de la garnison de Paris emprisonnés par mesure de discipline. C'est là que furent enfermés en juin 1789, pour avoir refusé de faire usage de leurs armes contre le peuple, onze gardes-françaises que le peuple conduit par Loustalot vint délivrer le 30 juin.
Lorsque le décret du 2 novembre 1789 mit une partie des biens du clergé à la disposition de la nation, la prison de l'Abbaye, vendue par l'Etat à la ville de Paris, passa sous l'autorité de la Commune. Dans la soirée du 10 août 1792, la municipalité y fit interner une partie des officiers et soldats suisses faits prisonniers au château des Tuileries. Avec eux se trouvait M. de Chantereine, colonel de la garde constitutionnelle de Louis XVI, qui se tua quelques jours après. Jusqu'à la fin du mois, une foule de suspects, principalement d'anciens militaires, des gardes du corps, des officiers, furent emprisonnés à l'Abbaye par ordre du comité de surveillance de la Commune que dirigeaient Panis et Sergent. En même temps le cloître du monastère (sur l'emplacement actuel de la rue de l'Abbaye) recevait un grand nombre de prêtres insermentés. Le Châtelet, la Force, la Conciergerie, les Carmes, les Madelonnettes étaient également remplis de prisonniers. Tous ces détenus, d'après la loi, devaient être traduits devant le tribunal criminel institué après le 10 août. Mais le peuple, trouvant les juges trop lents à la besogne, se porta à plusieurs reprises vers les prisons, réclamant la mort des « conspirateurs ».
La municipalité dut prendre des mesures pour les protéger. Bientôt la fermentation augmenta : certaines sections demandèrent ouvertement le massacre des prisonniers. Le 30 août, la Commune, craignant de ne pouvoir empêcher l'effet de cette menace, arrêta que les détenus seraient jugés sommairement et sans appel par les comités des sections. Le 2 septembre au matin, le bruit se répand que Verdun a ouvert ses portes aux Prussiens; on tire le canon d'alarme; on bat la générale; en même temps circule la nouvelle qu'une conspiration vient d'éclater dans les prisons. Aussitôt des bandes se forment criant : A l'Abbaye! A la Force! Vers deux heures, quatre voitures, conduisant de l'Hôtel de Ville à l'Abbaye dix-huit détenus, sont assaillies rue Dauphine par une foule furieuse; quatre des prisonniers sont tués; les autres, échappés à grand-peine, sont massacrés en arrivant à Saint-Germain des Prés. Un seul fut épargné, l'abbé Sicard, instituteur des sourds-muets. Les meurtriers se portèrent delà aux Carmes (près du Luxembourg), puis revinrent à l'Abbaye. Le comité de la section des Quatre-Nations y tenait séance. En un instant il est annulé, reIégué dans une salle écartée, et à sa place s'installe un tribunal improvisé, que préside l'huissier Maillart. On appelle les prisonniers tantôt par groupes, tantôt un à un, suivant l'ordre d'écrou; après un interrogatoire sommaire, ils sont relâchés aux cris de Vive la Nation! ou poussés dans la cour du jardin et là tués à coups de pique, de sabre et de hache. Le massacre dura deux jours.
L'Assemblée envoya en vain Chabot, Bazire, Isnard, François de Neufchâteau pour le faire cesser. Caron et Nouet, commissaires de la Commune, furent impuissants. La municipalité d'ailleurs était divisée : tandis que Manuel, le procureur-syndic, essayait à la Force de sauver quelques personnes, à l'Abbaye, son substitut Billaud-Varenne félicitait les meurtriers et, a-t-on dit, leur promettait un salaire. Le nombre des victimes à l'Abbaye fut de cent soixante et onze. Parmi les morts se trouvait Montmorin, l'ancien ministre. Il y eut quatre-vingt-dix-sept personnes relâchées : de ce nombre étaient Sombreuil, l'ancien gouverneur des Invalides, et l'écrivain Cazotte, qui fut sauvé par les larmes de sa fille.
Après les événements de septembre, l'Abbaye perdit complètement le caractère de prison militaire, qui jusque-là lui avait été assez exactement maintenu. Elle reçut indistinctement tous les détenus politiques. C'est là que Clavière, l'ancien ministre des contributions, se poignarda, que Mme Roland écrivit ses Mémoires, que Charlotte Corday attendit sa condamnation et son supplice. Comme la place manquait, on convertit en prison d'autres bâtiments du monastère, entre autres le réfectoire, dont une partie servait déjà de fabrique de salpêtre. Mais cette construction fut détruite par une explosion le 2 fructidor an II (19 août 1794).
Sous l'Empire, la Restauration, le gouvernement de Juillet, l'Abbaye reprit et conserva son ancienne destination de prison militaire. Après le retour des Bourbons en 1815, les généraux victimes de la réaction royaliste, Beiliard, Decaen, Thiard, y furent internés. Le général Bonnaire y mourut de désespoir après sa dégradation. La prison a été démolie en 1854. (Ch. Grandjean)
« Nous ne jurerons pas. Potius mori quam foedari. »
Deux cent quarante-quatre furent fusillés dans le jardin du couvent, une trentaine épargnés; à deux cents pas de là, au Luxembourg, trois cents volontaires faisaient l'exercice (Roch Marcandier, témoin oculaire). Des prêtres furent exécutés de même au couvent Saint-Firmin. Puis, à la nuit, le peuple revient à la section de l'Abbaye : les massacres vont se régulariser en quelque sorte. Quant aux pouvoirs publics pendant cette journée, le conseil général de la Commune se contente de nommer des commissaires afin de protéger « les prisonniers pour dettes, ou pour mois de nourrice, ou pour des causes civiles »; le ministre de la guerre Servan, appelé au sein de la Commune, vers 9 heures du soir, n'y fait aucune allusion aux massacres; l'Assemblée législative, instruite à 6 heures des exécutions de l'Abbaye, et à 8 heures et demie, par Fauchet, de celles des Carmes, nomme cinq commissaires (Bazire, Dusaulx, François de Neufchâteau, Isnard, Lequinio) et passe à l'ordre du jour. A l'Abbaye, Isnard ne prit pas la parole.
Le vieux Dusaulx ne put se faire écouter. Les commissaires vinrent rendre compte, sans indignation, de leur impuissance contre
« des milliers d'hommes rassemblés. Nous nous sommes retirés, concluent-ils, et les ténèbres ne nous ont pas permis de voir ce qui se passait ».
L'Assemblée se sépare tranquillement à 11 heures. A l'Abbaye, vers 9 heures, le mot de la foule était :
« Nous ne partirons pas pour Verdun avant que tous les scélérats du 10 août ne soient exterminés ».
Le procureur de la Commune Manuel employa, pour apaiser les furieux, « tous les moyens que lui suggéraient son zèle et son humanité » (récit de Tallien à la Commune, nuit an 2 au 3 septembre). Il tenta d'obtenir que l'on fit le départ des innocents et des coupables : mais une voix populaire lui répondit que les Prussiens et les Autrichiens, s'ils étaient à Paris, « frapperaient bien à tort et à travers, comme les Suisses du 10 août ». Cependant le comité de surveilance s'empara de l'idée de Manuel, et expédia l'arrêté suivant :
« Au nom du peuple, - Mes camarades, il vous est enjoint de juger tous les prisonniers de l'Abbaye, sans distinction, à l'exception de l'abbé Lenfant, que vous mettrez dans un lieu sûr. Signé Panis, Sergent, administrateurs. » (L'abbé Lenfant avait un frère dans le comité de surveillance.)
L'ordre fut exécuté. Le peuple nomme un jury de douze citoyens, avec Stanislas Maillard comme président
Le livre des écrous sous les yeux, le président faisait comparaître à son tour chaque prisonnier, lui recommandait de dire la vérité, et lui demandait pourquoi il avait été arrêté. Tout mensonge était fatal : beaucoup durent la vie à leur sincérité. Quand l'accusé avait donné ses explications et répondu aux observations du jury, le président consultait ses collègues. En cas d'avis favorable, il le déclarait acquitté par jugement du peuple, et ordonnait sa mise en liberté cela au milieu de la joie des assistants, des embrassades, des cris de Vive la nation! Si l'acquitté était un citoyen jeune et valide, le président lui faisait prendre l'engagement d'aller à la frontière repousser l'ennemi; puis, sous bonne sauvegarde, on le reconduisait à son domicile. En cas de condamnation, la formule des jugements populaires de l'Abbaye était : A la Force! Dans la prison de la Force, l'on ne disait nullement : A l'Abbaye! mais bien Elargissez Monsieur! A peine sorti, le condamné tombait sous les coups de sabre et de pique, au milieu d'un mêrne silence. Parmi les victimes de l'Abbaye, on peut citer : 32 Suisses et 26 gardes du corps prisonniers du 10 août; des fabricants (ou prétendus tels) de faux assignats ou de faux billets de la Caisse de secours; l'ex-ministre des affaires étrangères Montmorin; Vigné de Cusay, qui avait commandé le feu contre le peuple au 17 juillet 1791; Thierry, valet de chambre de Louis XVI. Le vieux Cazotte dut la vie aux larmes de sa fille, mais pas pour longtemps.
En même temps, les commissaires de la Commune firent mettre en liberté, à Sainte-Pélagie et à la Force, un grand nombre de détenus pour dettes ou pour causes correctionnelles. Pendant que la foule, avec sept canons, marchait sur les scélérats enfermés à Bicêtre et qui étaient à craindre en cas de revers militaire, la Commune faisait élargir les femmes détenues à la Petite-Force, dont quatre appartenaient à la maison de la reine. Une cinquième, Mme de Septeuil, fut acquittée par jugement populaire. On connaît le sort de Mme de Lamballe. D'après Peltier, le peuple condamna 164 prisonniers à la Force, et n'en aurait épargné que 9; or à ces 9 qu'il cite, on doit ajouter du moins 11 noms connus d'ailleurs, dont deux auteurs de mémoires, Weber et Matois de La Varenne. D'autres exécutions eurent lieu à la Conciergerie (le marquis de Montmorin, ex-gouverneur de Fontainebleau, 10 officiers suisses, 73 malfaiteurs); au Grand-Châtelet (149 criminels ou accusés de droit commun, la plupart fabricants de faux assignats); à Bicêtre (les condamnés pour crimes, qui, croyant d'après Prud'homme, que les contre-révolutionnaires, l'emportaient, crièrent : Vive le roi! donnez-nous des armes!)

La prison de Bicêtre en 1791
Mais l'événement, a écrit Napoléon, « était dans la forte des choses et dans l'esprit des hommes. Les Prussiens entraient : avant de courir à eux, on a voulu faire main basse sur leurs auxiliaires dans Paris. Peut-être le massacre influa-t-il dans ce temps sur le salut de la France. Qui doute que dans les derniers temps, lorsque les étrangers approchaient, si on eût renouvelé de telles horreurs sur leurs amis, ils eussent jamais dominé la France? Mais nous ne le pouvions, nous étions devenus légitimes »
« Le peuple ne se trompe pas dans sa vengeance. Qu'ils périssent! Périr par leurs mains, ou qu'ils périssent par les nôtres, telle est la cruelle alternative ».
Ainsi tous les partisans de la Révolution qui ne furent pas acteurs dans les journées de septembre, furent complices muets, passifs, et comme pliés sous le coup d'une force majeure. C'est plus tard que les Girondins, et d'après eux les royalistes, y découvrirent un plan suivi et prémédité, inventèrent ou exagérèrent des responsabilités individuelles. Il faut pourtant faire une place à part à la circulaire du 3 septembre, par laquelle la Commune annonçant le sort d'une « partie des Conspirateurs », ajoutait :
« Sans doute la nation entière, après la longue suite de trahisons qui l'ont conduite sur les bords de l'abîme, s'empressera d'adopter ce moyen si nécessaire au salut... »
Le contre-seing du ministère de la justice ne prouve pas que Danton, fort peu maître de ses bureaux où on ne le voyait guère, ait donné son approbation à un semblable programme. La circulaire ellemême, due à l'influence de Marat, ne prouve pas que la Commune ait organisé les massacres, mais simplement qu'elle les a considérés comme un moyen de salut public. (H. Monin)
Pendant ce temps les rumeurs courent bon train
on a vu des prêtres tirer sur les patriotes le 10 août, on a trouvé des armes cachées dans un presbytère de banlieue, un condamné sur le point d'être exécuté a révélé un vaste complot dans les prisons, en liaison avec les nobles restés chez eux et visant à poignarder dans le dos les patriotes qui tenteraient de s'opposer à la progression de l'ennemi.
La peur s'installe dans la population, les meneurs ont beau jeu de remuer les foules.
Le tocsin sonne à travers Paris terrifié.
Depuis quelques jours, les mauvaises nouvelles affluent : les Austro-Prussiens déferlent sur le territoire, Longwy a capitulé et la place de Verdun est investie. Chacun veut se persuader que la France a été trahie.
La colère populaire gronde contre les prêtres et les nobles.
Le Comité de surveillance de la commune attise les haines, tandis que des journalistes révolutionnaires comme Marat, Fréron ou Gorsas poussent le peuple à la vengeance.borna à remarquer qu'il fallait jeter un voile sur ces horreurs.
La prédication sanglante va produire son effet, la peur dégénérant en un délire de violence collectif. Danton, qui appelle les volontaires aux armées, trouve naturel qu'avant leur départ Paris soit purgé des éléments suspects. Le 28 août 1792, l'Assemblée a autorisé les municipalités à opérer des visites domiciliaires et les arrestations se sont multipliées. Des hommes courent aux prisons, armés de piques et de fusils. Commencés le 2 septembre 1792, les massacres durent à Paris quatre longues journées.
Le signal des horreurs est donné au carrefour Buci : des prisonniers que l'on transférait à l'Abbaye sont égorgés sur place. Les tueurs gagnent ensuite cette même prison de l'Abbaye où, très vite, les cadavres s'entassent. A la même heure, au couvent des Carmes, des dizaines de prêtres réfractaires sont abattus. A la Force, à la Conciergerie, au Grand Châtelet, les détenus connaissent un même cauchemar. Tout un petit scénario a été mis sur pied. Sortis de leurs cellules, les malheureux comparaissent devant un tribunal populaire improvisé. En quelques secondes, leur sort est fixé, sans qu'aucun puisse connaître les motifs de la sentence. Quelques-uns sont renvoyés chez eux. Les autres, soi-disant "élargis", trouvent une mort instantanée derrière la porte, sous les huées des tueurs et des mégères, plus excitées que les hommes. Parmi les victimes, on compte des représentants de l'aristocratie ( comme la princesse de Lamballe) et de nombreux ecclésiastiques, mais aussi des prisonniers de droit commun ( au cloître des Bernardins) , des filles publiques ( à la Salpêtrière) et même de pauvres déments ( à Bicêtre). Le nombre des victimes a été estimé , pour Paris, entre 1300 et 1400, mais il y eut d'autres tueries à Orléans, Versailles, Meaux et Reims.
Pas une voix ne s'éleva pour arrêter ces massacres. L'Assemblée restait muette devant la redoutable Commune. Danton n'intervint pas et Roland se borna à remarquer qu'il fallait jeter un voile sur ces horreurs.
Les journaux révolutionnaires appellent au meurtre, comme "L'Ami du Peuple" du 19 août dans lequel Marat écrit :
"Avant de voler aux frontières, il faut être sûr de ne laisser derrière soi aucun traître, aucun conspirateur...Le plus sûr parti est de se porter en armes à l'Abbaye, d'en arracher les traîtres, particulièrement les officiers suisses et leurs complices et les passer au fil de l'épée"
lieu d’où sont partis ces massacres : la prison de l’Abbaye, ainsi nommée car elle a longtemps dépendu de l’abbaye. Le 2 septembre, au milieu de l’après-midi, des prisonniers arrêtés le 10 août sont transférés, sur l’ordre du Comité de surveillance créé par la Commune insurrectionnelle de Paris, à l’abbaye où les attend un groupe de sans-culottes. Armés de gourdins, de haches, de sabres et de piques, ils sont mis à mort sans jugement. Au premier plan gisent les cadavres amoncelés. Visible à gauche, la garde nationale laisse faire.
Bienheureux Martyrs des Carmes martyrs de la révolution (+ 1792)
Ils sont 191
Le 2 septembre 1792, elles sont investies par des "sans culottes" exaltés.
Martyrologe romain
Diacres : Louis-Alexis-Matthias Boubert, d’Amiens, économe des Clercs de Saint-Sulpice, à Paris ; Antoine-François-Dieudonné de Ravinel, de Bayon, au diocèse de Nancy, séminariste à Saint-Sulpice, à Paris ; Jacques-Augustin-Robert de Lézardières, de Challans, au diocèse de Luçon, séminariste à Saint-Sulpice, à Paris.
Religieux : Guillaume-Louis-Nicolas Leclercq, de Boulogne-sur-mer, frère des Écoles chrétiennes (frère Salomon), secrétaire général de l’Institut, à Paris.
Clerc : Auguste-Denis Nézol, de Paris, professeur à la Maison Dubourg, à Issy.
Laïc : Charles-Régis Mathieu de la Calmette, comte de Valfons, de Nîmes, ancien officier, retiré à Paris chez le bienheureux Jean-Antoine Guilleminet. , pour la plupart prêtres ou religieux, qui, pour avoir refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé sous la Révolution française, furent rassemblés au Couvent des Carmes et massacrés en haine de la religion.
- Parmi eux, plusieurs Eudistes trouvèrent la mort et certains subirent le martyre dans la tourmente révolutionnaire; il s'agit des bienheureux François Louis Hébert, Claude Pottier, supérieur du Séminaire de Rouen, et François Lefranc, supérieur du Séminaire de Coutances, massacrés aux Carmes.
http://www.eudistes.org/histoire.htm
- Recueil de pièces authentiques sur les martyrs depuis les origines du christianisme jusqu'au XX° siècle: La Révolution (1791-1794)
http://www.abbaye-saint-benoit.ch/martyrs/martyrs0011.htm
- Parmi ces martyrs, le diocèse de Quimper et Léon honore plus particulièrement les Bienheureux Claude, Vincent, Nicolas et François.
http://catholique-quimper.cef.fr/decouvrez_notre_patrimoine/bol-d-air-breton/martyrs-de-septembre-1792/?searchterm=Claude, Vincent, Nicolas et François.
- le diocèse de Bayonne honore le Bienheureux François Dardan, texte de soeur Pascale du diocèse de Bayonne,
http://nominis.cef.fr/contenus/BxFrancoisDardan.pdf
Lescar et Oloron, extrait de son ouvrage 'Témoins du Christ en Béarn et au Pays Basque' (1.6Mo)
http://nominis.cef.fr/contenus/soeurpascale2009.pdf
- au diocèse d'Evreux, le Bienheureux Jacques de la Lande
http://nominis.cef.fr/contenus/saints/10193/Bienheureux-Jacques-de-La-Lande.html
- L'association des Martyrs de la Révolution:
Les victimes par ordre alphabétique, par prison, par ordre religieux, par département, par paroisse... Les lieux...
http://www.bxmartyrsde1792.com/index2.html
Voir aussi:
http://www.levangileauquotidien.org/main.php?language=FR&module=saintfeast&localdate=20090902&id=13326&fd=0
http://fr.wikipedia.org/wiki/Prison_des_Carmes
http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9minaire_des_Carmes
http://www.sem-carmes.com/
« De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace »
Ces mots marquent le discours de Danton, qui avait pour but de mobiliser le peuple contre l'envahisseur étranger.
Début septembre 1792, la capitale panique. Aux frontières, les troupes n'ont pu résister à l'invasion. Les rumeurs d'un complot fomenté par "les aristocrates, aidés des brigands détenus dans les prisons" courent. L'esprit échauffé, les patriotes décident d'agir.
Après la chute des Tuileries, l'Assemblée a autorisé les municipalités à procéder à de nombreuses arrestations. Les prisons sont pleines à craquer.
Le 2 septembre, des bandes se ruent dans les prisons. Personne n'est épargné, ni les malades, ni les vieillards, ni les indigents. Au soir, une circulaire glorifiant les massacres sort de l'imprimerie de Marat.
Danton, en tant que ministre de la Justice, a la garde des prisonniers, mais reste passif. Le comité de surveillance de la Commune se contente de faire paraître un arrêté enjoignant de juger les suspects avant de les exécuter.
Des tribunaux de sectionnaires se forment. Et, après un simulacre de jugement, les exécutions sommaires continuent. 1400 détenus sont massacrés. Si on suit l'exemple parisien à Lyon, le pays dans son ensemble ne cautionne pas l'action des "septembriseurs". A l'étranger, les massacres de septembre provoquent indignation et horreur. C'est dans ce climat sanglant et halluciné que sera élue la Convention.
Les massacres de Septembre
Depuis la veille, des rumeurs sinistres courent la ville. On parle d'une conspiration des aristocrates et des prêtres. On parle aussi d'un massacre général des suspects. Des placards meurtriers signés «Marat» tapissent les murs. L'atmosphère est lourde, il y traîne comme une odeur de sang.
Massacre à l'Abbaye le 2 septembre 1792 - dessin de Prieur - Musée Carnavalet
Le journaliste Prud'homme, lié avec Danton, court s'informer près de lui - Tout espèce de mesure modérée est inutile, déclare le ministre. La colère du peuple est à son comble, il y aurait du danger à l'arrêter. Sa première fureur assouvie, on pourra lui faire entendre raison.
Le massacre est donc prémédité Marat l'ordonne, la Commune l'organise, Danton l'approuve. Il veut, en frappant de terreur les électeurs de la Convention prochaine, les détacher des Girondins, les rendre dantonistes.
Interrogatoire à l'Abbaye, le 3 septembre 1792 - gravure du temps
La boucherie commence avec l'égorgement de vingt-trois prêtres réfractaires à la prison de l'Abbaye par des fédérés marseillais et bretons. Billaud-Varenne, substitut du procureur de la Commune, les pieds dans une boue rouge, s'écrie : « Peuple, tu immoles tes ennemis, tu fais ton devoir i » Maillard, le Maillard du 14 Juillet et des jours d'Octobre, qui se trouve là aussi, dit alors: - Plus rien 'à faire ici, allons aux Carmes.
L'assassinat de la princesse de Lamballe le 3 septembre 1792 - gravure hollandaise
Une bande, provenant des sections du Luxembourg et des Quatre-Nations, le suit au couvent des Carmes où sont renfermés cent cinquante prêtres insermentés. A l'arrivée des assassins, ils courent s'agenouiller à la chapelle. Ils sont tués à coups de pique, de hache et de bâton. L'archevêque d'Arles meurt en martyr. Sont abattus après lui les deux frères La Rochefoucauld, évêques de Saintes et de Beauvais, le confesseur roi Hébert, le général des Bénédictins Dom Chevreul. Des religieux ont fui dans le jardin. Ils sont traqués d'arbre en arbre, tirés comme un gibier. Bien peu, escaladant les murs, peuvent se réfugier dans les maisons voisines.
La princesse de Lamballe - par Danloux - B. N. Estampes
Après avoir bu, la horde retourne à l'Abbaye encore pleine de prisonniers. Exécuteur des ordres de Comité de surveillance, Maillard, en bon procédurier, installe dans le vestibule de la prison un tribunal qu'il préside, assis devant une table, le registre d'écrou sous les yeux, et entouré de douze coquins, ses assesseurs. Les tueurs sont placés derrière la porte à guichet qui donne sur la rue Sainte-Marguerite. Un à un, les détenus sont amenés devant le tribunal. En habit gris, la tête poudrée, le sabre au côté, Maillard les interroge avec froideur. Passent d'abord une cinquantaine de Suisses et de gardes du corps emprisonnés depuis le 10 Août.
Pour chacun d'eux, Maillard se borne à prononcer trois mots
- A la Force.
C'est la formule convenue pour déguiser leur arrêt aux condamnés.
La porte s'ouvre. L'un après l'autre on les pousse. Dès qu'ils ont franchi le seuil, ils tombent sous les piques ou les baïonnettes.
Massacre du Chatelet, le 2 et le 3 septembre 1792
La nuit est venue. Le travail (comme dit Billaud-Varenne) se poursuit à la lueur des torches. L'ancien ministre Montmorin comparaît. Le tribunal dit «du i 7 août », auquel il a été déféré
quelques jours plus tôt, l'a acquitté. Le peuple, qui voit en lui un des chefs de la « conspiration royaliste », a protesté avec tant de violences que Danton l'a fait ramener à l'Abbaye. Dédaigneux,
il récuse ces nouveaux juges.
- Soit, dit Maillard, vous irez à la Force.
- Monsieur le Président, puisqu'on vous appelle ainsi, je vous prie de me faire avoir une voiture.
- Vous allez l'avoir, répond Maillard.
Montmorin sort, très digne, et s'affaisse aussitôt, percé de coups.
Thierry, valet de chambre de Louis XVI, lui succède. il crie bravement « Vive le roi » et va trébucher sur le cadavre de Montmorin. La foule, acharnée sur lui, avec une torche lui brûle le visage.
Massacre aux Carmes
On contraint au milieu des rires le colonel de Saint-Mars à se traîner à genou, une pique enfoncée dans le corps, puis on le décapite.
Plus de trois cents prisonniers sont ainsi « élargis »....
La garde nationale laisse faire. Santerre prétend qu'il n'est pas certain de ses troupes. La Législative, à qui Fauchet a dénoncé la tuerie des Carmes, nomme une députation « pour rétablir le calme ». En font partie, avec d'autres, Dussaulx, Bazire, Chabot, Isnard. Arrivés à l'Abbaye, le vieux Dussaulx se borne à quelques mots patelins, aussitôt ouverts
par des huées. Isnard, l'éloquent Isnard, se tait. Tous ces politiciens sont verts de peur. Dussaulx dit à ses collègues: «Retirons-nous.» Ils reviennent au Manège, rendent compte. L'Assemblée, tranquillement, passe à l'ordre du jour et expédie les affaires courantes...
Massacre des prêtres réfugiés dans la Chapelle des Carmes - gravure du temps
Danton, averti au sortit du Conseil par Grandpré, l'un des subordonnés de Roland, le repousse, « les yeux lui sortant de la tête, avec le geste d'un furieux» : - Je me f... bien des prisonniers ! Qu'ils deviennent ce qu'ils pourront
Les ministres girondins, dénoncés par Robespierre, attaqués par la Commune qui a lancé un mandat d'arrêt contre Roland et Brissot, ne songent qu'à leur propre salut et montrent une lâcheté navrante. Roland, dans une lettre de timide protestation, écrira à l'Assemblée : « Hier fut un jour sur les événements duquel il faut peut-être jeter un voile. Je sais que le peuple, terrible dans sa vengeance, y porte encore une sorte' de justice. » Quant à la presse girondine, elle fait bonnement l'apologie du massacre...
La nuit entière il a continué à l'Abbaye, puis de là s'est étendu à toutes les prisons, à la Conciergerie, au Châtelet, à la Force, à la Salpêtrière, à Bicêtre. De mieux en mieux organisé, il va durer jusqu'au 6 septembre - cinq jours - sans qu'aucune autorité, ni aucun chef populaire ait essayé de s'y opposer. Les victimes sont de toutes classes : prêtres, aristocrates, voleurs, détenus pour dettes, filles publiques, artisans, manœuvres, jusqu'à des enfants.
Massacre à la Salpêtrière - gravure du temps
A la Force, le matin du 3, vers dix heures, la princesse de Lamballe est tirée de son cachot. Couchée, malade, elle était épouvantée des bruits qu'elle entendait.
Levez-vous, madame, il faut aller à l’Abbaye, lui disent les deux gardes nationaux envoyés pour la chercher.
La malheureuse répond par ses mots ingénus
- Prison pour prison, j'aime autant celle-ci.
On la presse. Tremblante, la tête perdue, elle s'habille et suit les gardes. Qui êtes-vous ? lui demande Hébert, accoudé à sa table.
- Marie-Louise de Savoie-Carignan, princesse de Lamballe, murmure-t-elle et s'évanouit.
Massacre à l'Abbaye - gravure populaire
On l'assied, on lui fait reprendre ses sens et l'interrogatoire continue. Il y a dans les juges, il y a dans la foule qui l'entoure des hommes qui, payés par le duc de Penthièvre, son beau-père, voudraient la sauver. On lui demande ce qu'elle connaît des complots de la cour.
Elle balbutie
- Je n'ai connu aucun complot.
- Faites serment d'aimer la liberté et l'égalité, jurez haine au roi, à la reine, à la royauté.
La menue, timide créature qui, abritée en Angleterre, n'est revenue en France que pour partager les dangers de la reine, sa maîtresse et son amie, se redresse dans sa robe froissée. Un doux héroïsme la soulève
- Je ferai facilement le premier serment, je ne puis faire le second, qui n'est pas dans mon cœur.
- Jurez donc, lui souffle quelqu'un, ou vous êtes morte
Elle ne répond pas, se détourne et cache son visage dans ses mains.
Hébert alors, levant sa tête sèche et dure, prononce le mot fatal.
- Elargissez madame.
Deux hommes la prennent par les bras et l'entraînent dans la rue. Devant l'amas des cadavres dont la plupart sont déjà dépouillés, elle soupire
- Fi ! l'horreur
Un sabre s'abat sur son cou. Elle est percée de plusieurs coups de piques. On la dévêt entièrement. Elle reste ainsi deux heures, étalée nue au coin d'une borne, à la risée lubrique de la foule. Un peu plus tard, on lui coupe la tête, on lui arrache le cœur.
Massacre à Bicêtre - gravure populaire
Marat, si grand amateur de sang, devrait être satisfait. Il lui faut mieux encore. Paris ne lui suffît pas; il veut que le massacre, comme à la Saint-Barthélemy, s'étende à la France entière : il fait tirer sur ses presses la circulaire suivante, datée du 3 septembre
« Prévenue que des hordes barbares s'avançaient contre elle, la Commune de Paris se hâte d'informer ses frères de tous les départements qu'une partie des conspirateurs féroces, détenus dans les prisons, a été mise à mort par le peuple : actes de justice qui lui ont paru indispensables pour retenir par la terreur les légions de traîtres cachés dans ses murs, au moment ou il allait marcher a' l'ennemi; et sans doute la nation entière, après la longue suite de trahisons qui l'ont conduite sur les bords de l'abîme, s'empressera d'adopter ce moyen si nécessaire de sa/ut public, et tous les Français s 'écrieront comme les Parisiens «Nous marchons à l'ennemi, mais nous ne laisserons pas derrière nous des brigands pour égorger nos femmes et nos enfants »
Signée de tous les membres du Comité de surveillance, cette circulaire est expédiée aussitôt dans les départements avec le contreseing du ministre de la Justice, apposé par Fabre d’Eglantine, l'âme damnée de Danton.
Massacre à la Force
Danton, pourtant, doit sentir qu'on est allé trop loin, que le vrai Paris ne suit pas. L'interminable tuerie a rempli la population d'horreur. Il obtient la révocation des mandats d'arrêt contre Brissot et Roland. Habilement, il fait échapper Adrien Duport, Talleyrand, Charles de Lameth.
Ce n'est point générosité, mais politique. Car à l'égard des prisonniers d'Orléans, sa conduite est monstrueuse. Il y a là cinquante-trois inculpés qui vont être jugés par la Haute Cour. Le 2 septembre, Danton y envoie son ami Fournier l'Américain, avec une grosse troupe de volontaires, pour les ramener à Paris. Fournier, pirate à la face moustachue et livide, ceinturé de poignards et de pistolets, trompe les magistrats d'Orléans et leur arrache les prisonniers qu'il dirige sur Versailles. Il y a pris rendez-vous pour le 9 avec les égorgeurs que doit lui envoyer le Comité de surveillance. Un ancien Constituant, Alquier, président du Trib
- Que vous importe? répond le ministre de la Justice. Il y a parmi ces gens-là de grands coupables. On ne sait pas encore de quel œil le peuple les verra et jusqu'où peut aller son indignation.
Massacre des prisonniers d'Orléan à Versailles - gravure du temps
Comme Alquier proteste et invoque sa qualité, Danton l'interrompt
- Ne vous mêlez pas de ces gens-là. Il pourrait en résulter pour vous de grands désagréments.
Il tourne le dos au magistrat qui rentre à Versailles désespéré.
Le lendemain le maire, Hippolyte Ruchaud, essaie au risque de sa vie de sauver les malheureux. En vain ils sont tués dans les chariots qui les ont amenés jusqu'à l'Orangerie. Périssent le duc de Brissac, ancien commandant de la garde constitutionnelle de Louis XVI, les ex-ministres Lessart et d'Abancourt, l'évêque de Mende Castellane, une quarantaine d'autres. Leurs cadavres sont dépouillés, dépecés, et les morceaux accrochés aux grilles du palais de Louis XIV. Les bourreaux se portent ensuite sur la maison d'arrêt où ils dépêchent la plupart des détenus. Ils reviennent à Paris avec leurs chariots sanglants et s'arrêtent, tambours battants, place Vendôme, devant l'hôtel de la Chancellerie.
Danton descend sur le seuil. Fournier lui rend compte de ses actes. Le ministre l'approuve, lui et ses hommes. On l'entend dire à voix haute
- Ce n'est pas le ministre de la Justice, c'est le ministre de la Révolution qui vous félicite
Il se trompe, il n'est que le ministre de l'assassinat.
En province, la criminelle circulaire du 3 septembre trouve moins d'écho que Marat ne l'a espéré. Mais beaucoup d'aristocrates et surtout des prêtres sont tués, le plus souvent par des bandes venues de Paris, à Meaux, à Reims, à Charleville, à Caen, à Lyon. Le duc de La Rochefoucauld, ancien président du Directoire de Paris, est assassiné à Gisors.
Au total, les journées de Septembre à Paris et dans les départements ont fait quatorze cent cinquante morts. De ces morts sont responsables au premier titre Marat, puis Danton, Manuel, Hébert, Billaud-Varenne. Ils y ont eu tous une part directe. Ils ont été constamment derrière le Comité de surveillance qui a réglé le massacre. Robespierre a pu se voiler la face, et, plus tard, se défendre d'avoir donné son approbation, cette approbation pour n'être pas formulée n'est pas moins réelle. Tous ses actes l'établissent; à cet égard, il est aussi coupable que Danton.
Faites sous de tels auspices, les élections de Paris sont extrémistes. Appuyée par la Commune et par Danton, la liste maratiste triomphe. Robespierre est le premier élu; dans les derniers figurent le duc d'Orléans, élu sur l'insistance de Danton, et qui s'intitule désormais le «citoyen Egalité ». Pétion, écrasé, est obligé d'aller se faire mandater par l'Eure-et-Loir.
Dans les départements, l'élection est plus calme. Quoique fort animé contre Louis XVI, le pays ne se prononce pas nettement pour l'abolition de la monarchie. Il montre de la répugnance à briser une si ancienne tradition.
Après tant de fautes, la Législative du moins n'a pas commis celle où tomba la Constituante d'exclure les députés sortants de la nouvelle Assemblée. Un grand nombre d'entre eux et aussi de Constituants sont renvoyés à la Convention.
Les Girondins espéraient mieux des élections. Ils mesurent maintenant à leur résultat les excitations de Marat, la démagogie de Danton, la prééminence que s'est ménagée Robespierre. Dans les derniers jours laissés à la Législative avant que sa session soit close, ils essaient de réagir. Vergniaud, le premier, se dresse contre l'odieux Comité de surveillance. Il demande que la Commune réponde tête pour tête de la sûreté des prisonniers dont elle a de nouveau rempli les maisons de force. Beau discours, trop tardif, et qu'on sent trop dû à l'échec électoral. L'Assemblée, les tribunes applaudissent. La Commune inquiète feint de se soumettre, elle casse son Comité et arrête quelques mesures pour la sécurité des citoyens.
Ce sera toujours sa tactique. Quand le pouvoir, c'est-à-dire l'Assemblée, montre de l'énergie, la Commune s'incline. Dès qu'il faiblit sa tyrannie reparaît.
Massacres de septembre 1792
Entre le 2 et le 6 septembre, à Paris, Meaux, Châlons, Rennes et Lyon, prélude à la Terreur.
Plus d'un millier de royalistes, prêtres réfractaires et détenus de droit commun sont massacrés par le peuple en armes.
Parmi ceux-ci, 3 évêques, 127 prêtres séculiers, 55 religieux et 5 laïcs, massacrés aux Carmes seront béatifiés le 17 octobre 1926 par Pie XI.
Armand de Montmorin, ministre des affaires étrangères, massacré aux Carmes le 2 septembre
Joseph de Vaugiraud, arrêté en lieu et place de son fils Guillaume, qui était l'un des défenseurs des Tuileries le 10 août 1792, massacré le 2 septembre
Bienheureux Jean-Marie du Lau, archevêque d'Arles, massacré aux Carmes le 2 septembre
Bienheureux François-Joseph de La Rochefoucauld, évêque de Beauvais, député du Clergé, massacré aux Carmes le 2 septembre
Bienheureux Pierre-Louis de La Rochefoucauld, évêque de Saintes, député du Clergé, massacré aux Carmes, avec son frère, le 2 septembre
Bienheureux Georges Jérôme Giroust, massacré aux Carmes, le 2 septembre
Bienheureux Antoine de Ravinel, diacre, massacré aux Carmes, le 2 septembre
Bienheureux Gaspard Claude Maignien, massacré aux Carmes le 2 septembre
Bienheureux Armand de Foucauld, vicaire général d'Arles, massacré aux Carmes le 2 septembre
Bienheureux François César Londiveau, vicaire à Saint Martin d'Evaillé (Sarthe), massacré aux Carmes le 2 septembre
Bienheureux Charles François de Lubersac de Saint-Germain, prêtre, massacré aux Carmes le 2 septembre
Bienheureux Jacques-Augustin Robert de Lézardière, diacre, massacré aux Carmes le 2 septembre
Bienheureux François Louis de Méallet de Fargues, vicaire général de Clermont, massacré aux Carmes le 2 septembre
Bienheureux Pierre-Jean Garrigues de La Garcie, prêtre, docteur en théologie, professeur à la Sorbonne, confesseur de la Foi, massacré aux Carmes le 2 septembre
Bienheureux François-Hyacinthe Le Livec de Tresurin, jésuite aumonier des filles du calvaire, massacré à la prison de la Force le 3 septembre
Georg Ernst zu Sayn-Wittgenstein-Berleburg, exécuté (massacré, guillotiné ?) le 2 septembre
Luce de Montmorin, massacré le 3 septembre
la princesse de Lamballe, massacrée le 3 septembre
Augustin de Beaupoil de Saint-Aulaire, massacré le 3 septembre
Pierre Guy de Grey de Quincarnon, massacré le 3 septembre par les bleus dans son abbaye
Charles Pierre Bosquillon, massacré le 3 septembre
Jean Frédéric Roch de Maillardoz, assassiné à la conciergerie le 3 septembre
Marc Antoine Philippe Fauconnet, tué à Rouen le 3 septembre
Thomas de Boisgelin, massacré le 4 septembre à l'Abbaye Saint-Germain-des-Pré
Louis Alexandre de La Rochefoucauld, duc de La Rochefoucauld, assassiné à Gisors le 4 septembre
Jean de Maussabré, massacré le 5 septembre à l'Abbaye Saint-Germain-des-Pré
Louis-Hercule de Cossé-Brissac, duc de Brissac, grand-panetier de France, gouverneur de Paris de 1775 à 1791, massacré le 9 septembre
Jean Arnauld de Castellane, évêque de Mende (1768), massacré à Versailles, le 9 septembre
Charles de Francqueville d'Abancourt, massacré à Versailles, le 9 septembre
Charles-François de Malvoisin, massacré à Versailles, le 9 septembre
Charles de Ligne, massacré le 14 septembre
Jacques Cazotte, guillotiné à Paris, le 25 septembre
Jean Quentin de Champlost, massacré en septembre
Claude François de Rosières de Sorans, massacré en septembre
Antoine Claude de Valdec de Lessart, massacré en septembre