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19 Jun

20 juin 1792: Une émeute essaie de contraindre le Roi à retirer ses vétos et à rappeler les ministres Jacobins.

Publié par Louis XVI  - Catégories :  #[1789-1793]

 Le peuple attaque le palais des Tuileries où réside Louis XVI, roi des Français.

Fichier:The Tuilleries, 20th June 1792.jpg 

(Legendre, http://acteursrevolution.unblog.fr/files/2009/11/santerre.jpgSanterre, Fournier), manifestation montée par les 48 sections parisiennes : Le peuple envahit les Tuileries, réclamant le retour des ministres brissotins et l'acceptation de plusieurs décrets dont le roi a mis son veto.

Le roi, acculé dans une embrasure de fenêtre, est coiffé du bonnet rouge. Il ne cède pas.

La manifestation provoque un mouvement de réaction à Paris (restriction du droit de pétition, reprise en main de la garde nationale) et en province.

les Tuileries sont envahies par les émeutiers aux cris de

"A bas le veto! Mort aux prêtres !"

 

Le Roi refuse de faire "le sacrifice de son devoir"

 

Il retourne la situation à son profit.

Le lever du Roi.

Un appartement des Tuileries.

On remarque, parmi les courtisans et les officiers de la maison, de Molleville, ministre de la marine, et de  Malesherbes.

Au moment où leurs majestés et madame Elisabeth entrent, au retour de la messe, les rangs se divisent pour laisser passage au Roi, qui se dirige vers son cabinet.

LE ROI, DEMOLLEVILLE, MALESHERBES.

Molleville

Parlant tout bas au Roi, qui lui accorde un

sourire.

"Les tribunes vont bien... toujours bien..."

Le ROI

sans se retourner, et à mi-voix.

"Un peu trop vite: nous en parlerons"

Une partie de la foule se retire.

Molleville

à Malesherbes.

"Comment ! vous qu'on ne voit que les jours chômés!

Et par quel hasard!... Le Roi sera fâché de ne vous avoir pas aperçu"

MALESHERBES.

"II y a si long-temps, il est vrai, que je ne me suis présenté un jour, de la semaine! Que voulez-vous, les temps ont bien changé"

Molleville

 lui prenant la main.

 "Oh oui! Mais que ne vous présentez-vous plus souvent?"

MALESHERBES

"Plus souvent !... Et pour quoi faire?... Vous compromettre... Écoutez-moi, monsieur de Molleville, je voudrais vous entretenir un instant en particulier..."

Molleville

"Avec le plus grand plaisir... Mais pardon... attendons que ce personnage que vous apercevez là en conversation avec M. de Montmorin ait pris congé..."

MALESHERBES.

"Nous attendrons."

On voit dans l'intervalle passer successivement divers députés de l'assemblée législative , et au milieu d'eux Pétion , maire de Paris , que sa haute stature autant que l'empressement dont il est l'objet fait partlculièrement remarquer. MM. de Molleville et de Mâlesherbes se sont retirés dans une embrasure de fenêtre.

MALESHÈRBES.

"Voici ce dont il s'agit, et je m'adresse à vous , n'ayant point l'espoir d'en pouvoir entretenir directement sa majesté. M. de Montmorin, à qui j'en ai fait part, m'a dit que vous seul pourriez en tirer parti; Deux personnes, dont je ne puis vous dire le nom, sont venues chez moi hier matin, et m'ont appris , après un long préambule, que les principaux chefs du parti les avaient chargées de me confier, sous le sceau du secret, que , dans très peu de jours, une insurrection composée de tout le peuple de Paris, les Marseillais à la tête, et appuyée par la garde nationale , devait se porter aux Tuileries; que la vie du Roi était dans le plus grand danger; que s'il échappait au fer des assassins, l'assemblée ne pourrait parvenir à le sauver qu'en le déclarant déchu de la couronne; que le Roi né pouvait faire échouer cet horrible projet qu'en rappelant sur-le-champ Rolland, Clavières et Servan au ministère, «que toutes les personnes qui lui étaient attachées devaient lui conseiller de prendre ce parti."

Molleville

"Je crois pouvoir vous dire, monsieur de Malesherbes, que le Roi n'accédera jamais à une telle proposition. Sa vie et sa sûreté peuvent être compromises, mais sa dignité ne le sera jamais; et sa majesté a déjà mis à sa valeur une pareille exigence, en renvoyant sans, réponse une lettre sur cette même affaire, que lui avaient fait remettre Vergniaux, Guadet et Gensonné. Il est à regretter que sa majesté, toujours emportée par la générosité de son caractère et sa répugnance invincible à se servir des armes que ses ennemis lui fournissent, ait renvoyé cette lettre à ses infâmes auteurs, au lieu de la retenir pour en faire remettre à l'assemblée, à la municipalité et aux départements, une copie collationnée par tous ses ministres."

MALESHERBES.

"C'est fort bien, et, si le roi exigeait que je lui donnasse mon avis, je ne lui conseillerais pas un autre parti; d'autant que je puis vous dire, sans trahir le secret qui m'a été confié , que le vif intérêt avec lequel on m'a parlé de cette affaire m'a paru avoir des motifs très étrangers au Roi.

Molleville

"Et quels motifs, monsieur de Malesherbes?"

MALESHERBES.

"Je ne doute pas qu'il y ait là-dessous quelque vilaine affaire de finances, et que Clavière n'ait promis beaucoup d'argent à ces messieurs. Je ne savais pas que le Roi eût reçu la lettre dont vous m'avez parlé , et je ne l'aurais certainement pas deviné."

Molleville

"C'est de tout point comme je vous le dis: Bose, peintre au pastel, s'est fait dans cette affaire le messager de MM.Vergniaux et autres; et Thierry, valet de chambre du Roi, qu'ils avaient eu la témérité d'intimider en le rendant responsable du message, a remis lui-même le paquet au Roi."

MALESHERBES.

"Ce pauvre Roi, je le plains bien ; je crains fort qu'il n'ait de la peine à échapper à ces scélérats; et c'est bien dommage, car c'est vraiment un digne et respectable prince Mais avez-vous remarqué une chose? c'est que dans certaines circonstances , telles que celle-ci, les vertus d'un homme privé , portées à un certain degré , deviennent presque des vices sur le trône: elles peuvent être bonnes pour l'autre monde, elles ne valent rien pour celui-ci. C'est une réflexion pénible à faire, mais malheureusement elle est juste."

Molleville

"Oui, que trop juste!... Mais ce qui nous fait peut-être plus de tort, c'est sa bonté: je la redoute autant que son irrésolution".

MALESHERBES.

"Vous avez donc conservé des relations avec le Roi? J'en suis bien aise... Vous êtes bien heureux d'être enétat de lui être utile.... Moi je suis trop vieux pour lui être bon à rien.... mais je lui suis bien tendrement attaché; et quoique je ne puisse pas .souffrir de m'habiller , et surtout de porter cette maudite épée qui se fourre toujours entre mes jambes quand je monte les escaliers, je viens régulièrement au lever tous les dimanches , parce que mon plus grand plaisir est de voir de mes yeux que ce brave homme se porte bien. Je ne lui parle jamais, mais- c'est égal, il me suffit de l'avoir vu Il m'a toujours traité à merveille pendant mon ministère. Mes bavardages le faisaient rire quelquefois."

Molleville

"Plût à Dieu qu'il eût toujours eu près de sa personne des conseillers comme vous.... D'autres ne lui rendent pas autant de justice."

MALESHERBES.

"Vous avez dû être étonné de voir combien il gagne à être connu. Je n'ai vu personne qui ait le sens aussi droit. Avez-vous remarqué qu'il ne se trompe jamais sur le bon avis? C'est extraordinaire Ne pensez-vous pas que, s'il eût été élevé comme nous l'avons tous été, si on l'eût accoutumé à vaincre cette timidité et cette défiance de lui-même qui sont ses deux plus grands défauts, on en eût fait aisément un grand roi?"

Molleville

"Encore une fois, Monsieur, je dis qu'il est très malheureux pour lui de n'avoir pas toujours eu des ministres tels que vous."

MALESHERBES.

"Pas si malheureux que vous le croyez. Non, ne vous y trompez pas, j'étais un très mauvais ministre, moi;je n'avais jamais pensé au ministère, on m'y a poussé je ne sais ni pourquoi ni comment, sur une réputation que je devais aux circonstances, et qui était fort au-dessus de ce que je valais. Je dis à M. Turgot et au Roi lui-même qu'ils ne pouvaient faire un plus mauvais choix, que j'étais trop vieux, que ma tête était usée, que je n'étais plus qu'un bon homme, un honnête homme , et que cela ne suffisait pas pour faire un ministre, même médiocre. J'eus beau dire; tout le monde le voulait , il fallut bien céder : aussi le jour le plus heureux de ma vie a-t-il été celui où j'ai été débarrassé de ce fardeau Savez-vous qu'un des plus grands vices de et je crois aussi qu'il est bien aise de me voir notre gouvernement est l'impossibilité où est le roi, quelque bien intentionné qu'il soit, d'être assuré, quand il nomme un ministre, qu'il fait un bon choix. Le règne des mauvais ministres n'est pas long; mais ceux qui le.ur succèdent, choisis de la même manière, valent rarement mieux, souvent beaucoup moins, et sont bientôt remplacés par d'autres de même espèce

 

 

C'est ainsi que le gouvernement s'en va au diable, et que les révolutions arrivent."

Un Huissier , sortant du cabinet du roi.

"M. le ministre de la marine."

Molleville

"Pardon, mon cher Monsieur...., je vais avoir probablement une entrevue assez longue avec sa majesté sur les cruels événements du 20 juin: je ne manquerai pas de lui faire part de votre démarche."

MALESHERBE.

"Je vous en saurai gré. Si par hasard il changeait d'avis, vous voudrez bien me le faire savoir. Adieu."

Il sort. 

Molleville

, à part, et s'avançant vert le cabinet

du roi.

Que de vertus et de douce candeur dans cet homme On l'a bien dit, sa conversation est comme le débordement continuel et inégal d'un vase toujours trop plein.

* * * * *

SCÈNE II

LE ROI,  LE MARÉCHAL DE MOUCHY,
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/e/e0/J%C3%A9r%C3%B4me_P%C3%A9tion_de_Villeneuve.jpgPÉTION, MOLLEVILLE.

 

Le ROI

Je vous réitère mes remercîments, M. le Maréchal, pour la bonté que vous avez eue de ne pas m'abandonner dans cette crise. Je mets un grand prix à votre loyale conduite.

Le maréchal s'incline et se retire.

Entre Pétion.

Hé bien ! M. le maire, le calme est-il rétabli dans la capitale?

Pétion

Sire, le peuple vous a fait ses représentations : il est tranquille et satisfait.

Le ROI

Avouez, monsieur, que la journée du 2o juin a été

* Louis était d'une taille avantageuse; il avait les épaules larges , le ventre proéminent ; il marchait en roulant une jambe sur l'autre. Sa vue était courte, ses yeux à demi fermés, sa bouche grande, sa voix creuse et vulgaire. Son air annonçait la gaieté, non peut-être cette gaieté qui vient d'un esprit supérieur, mais cette joie cordiale de l'honnête homme, qui nait d'une conscience sans reproche. (Chateaubriand , Essai sur les révolutions, tome 2, page 1o. )

un grand scandale, et que la municipalité n'a pas fait pour le prévenir tout ce qu'elle aurait pu.

Pétion

Sire, la municipalité a fait tout ce qu'elle a pu et dû faire; elle a mis sa conduite au grand jour, et l'opinion publique la jugera.

Le ROI

Dites la nation entière.

Pétion

Elle ne craint pas plus le jugement de la nation entière.

Le Roi

Dans quelle situation se trouve en ce moment la capitale?

Pétion

Sire, tout est calme.

Le Roi

Ce n'est pas vrai.

Le Maire

Sire...

Le Roi

Taisez-vous.

Pétion

Le magistrat du peuple n'a pas à se taire quand il a fait son devoir , et qu'il a dit la vérité.

Le ROI

La tranquillité de Paris repose sur votre responsabilité.

Pétion

Sire, la municipalité...

Le Roi

C'est bien, retirez-vous.

Pétion

La municipalité connaît ses devoirs; elle n'attend pas pour les remplir qu'on les lui rappelle.

Petion sort.

Le ROI

après être resté un instant seul.

Vous voilà, mon cher Molleville: c'était encore de la journée du 2o juin que nous parlions... Quel miracle d'y avoir échappé!... Mais la reine et Madame, ma sœur, ont encore couru de plus grands dangers que moi!

Molleville

Cependant il me semble, sire, que c'était principalement contre votre majesté que l'insurrection était dirigée.'

Le ROI

Je le sais, ils voulaient m'assassiner*, et je ne conçois pas comment ils ne l'ont pas fait; mais je ne leur échapperai pas un autre jour. Il est du reste assez égal d'être assassiné deux mois plus tôt ou plus tard.

Molleville

avec saisissement.

Mon Dieu, sire, votre majesté peut-elle croire aussi fermement qu'elle doit être assassinée.

Le Roi

Je m'y attends depuis long-temps, et j'ai pris mon parti. Croyez-vous que je craigne la mort?

Molleville

Non certainement; mais je voudrais voir votre majesté moins décidée à la recevoir, et plus disposée à adopter des mesures vigoureuses, les seules dont le Roi puisse attendre son salut. .

Le ROI

Je ne serais pas embarrassé si je n'avais pas ma famille avec moi ; on verrait bien que je ne suis pas aussi faible qu'on le croit. Mais que deviendraient ma femme et mes enfants si je ne réussissais point!

Molleville

Mais votre majesté pense-t-elle que, si elle était assassinée , sa famille fût plus en sûreté?

Le ROI

Oui, je le crois, je l'espère au moins; et s'il en arrivait autrement, je n'aurais rien à me reprocher : d'ailleurs, que puis-je faire?

Molleville

Je crois que votre majesté pourrait sortir de Paris plus aisément aujourd'hui que jamais, parce que les dernières scènes ont prouvé que vos jours n'étaient pas en sûreté dans la capitale.

Le ROI

Je ne veux pas tenter une seconde fuite.

Molleville

Je crois aussi que votre majesté ne doit pas penser à fuir : mais il me semble que l'indignation générale qu'ont excitée les derniers désordres offre au Roi l'occasion la plus favorable pour sortir de Paris publiquement et sans obstacle.

Le ROI

A la bonne heure; mais c'est plus difficile que voua ne le croyez. Et quels seraient vos moyen»?

Molleville

D'abord, rétablir sur-le-champ la garde constitutionnelle, et en instruire l'assemblée par une lettre au président. Ordonner ensuite que les 3,ooo Suisses qui sont à Courbevoie en partent par détachements de 5oohommes: les faire placer dans les principaux villages qui se trouvent sur la route de Fontainebleau, et partir.

Le ROI

Un départ aussi précipité, sans préparatifs, sans, suite, et avant que l'assemblée en soit prévenue, ressemblerait trop à uae fuite.

Molleville

Mais , sire, alors une lettre de votre majesté, annonçant au président que votre santé et celle de la fa-mille royale exigent que vous alliez respirer l'air de la» campagne.,..

Le ROI

Non: il faut sans doute s'occuper de sa sûreté, mais, sans oublier sa dignité; et je n'en trouve pas dans 1& nouveau parti que vous me proposez. D'ailleurs l'asr semblée, au reçu de ma lettre, passerait vraisemblablement à l'ordre du jour; pendant ce temps-là, on préparerait une insurrection pour m'arrêter. Laissons cela, et dites-moi où nous en sommes des autres mesures dont vous étiez convenu avec Montmorin et Mallouet.. Il paraît que la dernière séance nous a été favorable?

Molleville

Oui, sire; et, à quelque prix que ce soit, il faut que nous ayons la majorité des tribunes. ...

Le ROI

Sans doute; mais rappelez-vous qu'il m'en a coûté près de trois millions pour avoir les tribunes de la première assemblée, et que, malgré cela, elles ont été constamment contre moi.

Molleville

Sire, c'est un inconvénient à peu près inséparable(le ce genre de dépense ; mais Tous savez , d'un autre coté, quel parti nous pouvons en tirer...

Le ROI

Je le sais : seulement, comme mon trésor n'est pas fort bien pourvu, tâchez de trouver des agents plus intègres que messieurs T. et S.

Molleville

Sire, si vous le permettez, je rendrai votre majesté même juge du fait, et je l'instruirai de nos premiers succès.

Le ROI

Avec plaisir : je vous écoute.

Molleville

J'ai d'abord fait appeler l'un des vainqueurs les plus acharnés de la Bastille, homme auquel j'ai rendu de grands services avant la révolution, et qui m'est entièrement dévoué. Sa grande influence dans le faubourg Saint-Antoine n'a pas tardé à lui procurer deux cents hommes sûrs et vigoureux. L'ordre étant que, le surlendemain , dès six heures du matin, ils seraient à la porte de l'assemblée, pour s'emparer des premières tribunes, ils s'y sont portés, comme on en était convenu , de manière à recevoir les ordres d'un chef et d'un sous-chef placés l'un dans une tribune de devant, l'autre dans la seconde. Ainsi postés , ces deux chefs, ayant cinq adjudants , les seuls desquels ils soient connus, donnent à ceux-ci un signal qui fait mouvoir vingt-cinq hommes, chargés des applaudissements et des huées que la délibération nécessite. Les prix , du reste, ne sont pas fort élevés: le chef, qui seul a le secret, coûte 5o livres par jour ; le sous-chef, 25 livres; dix adjudants, 1oo livres; et deux cent cinquante hommes, à raison de 5o sous, 626 livres; total 8oo livres par séance.

Le ROI

Bien... C'est un peu moins que pour la Constituante. Et qu'en est-il résulté?

Molleville.

D'abord, nous sommes parvenus à silencer les tribunes aux deux premières séances; et, comme mon homme s'était donné pour un agent de Pétion, ces messieurs, par dévouement pour leur chef, n'ont voulu le premier jour recevoir qu'un verre d'eau-de-vie, ce qui m'a permis de faire à notre homme une gratification de 27o livres, et de réaliser une petite économie pour les séances suivantes.

Le ROI

Et si Pétion vient à surprendre notre secret.

Molleville

Cela ne peut être, sire; dans une des dernières séances nous les avons confondus.

Le ROI

Comment donc?

Molleville

Ils ont voulu contredire les tribunes; mais impossible. J'avais fini depuis un quart d'heure, et je jouissais de mon succès, quand l'abbé Fauchet a demandé la parole: « Je reçois une lettre, a-t-il dit, qui m'apprend « qu'une grande partie des citoyens qui sont dans les « tribunes ont été payés pour applaudir le ministre de « la marine. » Quoique le fait fût très vrai, ma bonne contenance et la réputation de l'abbé Fauchet, qu'on sait être tin menteur effronté, m'ont sauvé, et sa dénonciation a été regardée comme une calomnie , d'autant plus maladroite, qu'on est habitué à me voir applaudir, et que j'avais eu l'attention, cette fois, de farcir mon discours de quelques unes de ces phrases que le peuple ne manque jamais de saisir, quand elles sont prononcées avec emphase. Ainsi, désormais nous pourrons, je crois, aller avec confiance.

Le ROI

C'est au-delà de nos espérances; mais il y aurait peut-être du danger à continuer

On entend des cris et des «xrlam.il ions confuses sous les fenêtres du château.

Le ROI

Les voilà encore! Et toujours la reine! Je vous

en prie voyez ce qu'ils veulent ; et si c'est ma vie ,

qu'ils en finissent

On entend les cris redoublés :

Marie-Antoinette a la lanterne !

A bas l'Autrichienne!

A bas M. et madame Veto!

Vivent le» patriotes 

Vivent les sans-culottes!

Ah! ça ira, ça ira, les aristocrates on les pendra

A bas, à bas les aristo-chiens !

Plus de prêtre! 

Qu'il rende ses comptes, ou le bonnet de la régénération!

Le ROI

Qui les dirige? Et que demandent-ils donc?

Molleville

 

Sire , ce ne sont que des femmes et quelques hommes en guenilles; ils passent pour aller aux barrières ou aux Champs-Elysées. Votre majesté peut être sans inquiétude.

Le ROI

Sans inquiétude! Je n'en aurai plus bientôt, et la scène du 2o juin m'a appris ce que je devais attendre.

Molleville

Permettez-moi, sire , de protester contre vos sinistres pressentiments , en me prévalant de votre propre courage dans cette journée, comme d'un gage certain de salut.

Le ROI

Il est vrai, M. le ministre, que je suis resté sans crainte; et, comme l'a vu ce grenadier dont la main a pu compter les battements de mon cœur au moment où la foule allait m'écraser dans une embrasure de fenêtre , j'étais alors aussi calme que je le suis en ce moment.

Molleville

Il n'est qu'un cri, sire , dans toute la France, sur la force d'âme que votre majesté a déployée, et je ne doute pas qu'avec de l'énergie, le trône et votre famille ne soient saufs.

Le ROI

Je vous remercie de vos bons sentiments pour moi et ma famille; mais j'ai, dans les détails de cette même journée , la preuve certaine de mon arrêt de mort; et votre service serait déjà fini près de ma personne , si, au lieu de prendre pour mettre sur ma tête le bonnet rouge qu'un forcené me présenta au bout de sa pique, j'avais essayé de détourner le fer qu'il me portait à la poitrine.

Molleville

Encore une fois , sire, votre fermeté peut sauver la France : il suffirait, pour relever les royalistes , d'opposer quelques mesures aux menées démagogiques de la commune. Ce que nous avons fait pour le club français , que nous avons eu le bonheur de voir s'organiser dans quatre jours, et de manière à ce que nos hommes en bonnets rouges donnassent le change à ceux de Pétion, me fait naître le désir d'un second essai de ce genre. Il n'y faudrait que votre agrément et les fonds nécessaires pour qu'on en réglât également la solde à cinq livres par jour pour les chefs, et quarante sous pour les ouvriers. Nous pourrions, de cette manière, donner un fort point d'appui au club du Carrousel, et assurer l'inviolabilité du Château.

Le ROI

Tout ce que vous voudrez ; mais, sur toutes choses. tâchez d'employer des hommes qui ne nous vendent pas.

Molleville

Sire, je n'ai malheureusement pas à nia disposition tous les vainqueurs de la Bastille; mais je puis compter sur un des aides-de-camp de Lieutaut, ancien commandant de 'la garde marseillaise , qui, au mérite d'être très courageux et très dévoué, joint le talent de changer sa figure aussi facilement que son nom. Son admission dans les tavernes patriotes me donnera le moyen de savoir ce qui s'y passe, et d'avoir ainsi tous les renseignements qui pourront régler les mouvements de notre réunion du Carrousel.

Le ROI

C'est bien. j'aurais encore beaucoup d'autres choses à vous dire, et particulièrement sur les offres de M. de Lafayette ; mais , quoique je sois infiniment sensible à l'attachement qui paraît le porter à se mettre ainsi en avant, je ne saurais me résoudre à tout hasarder aussi légèrement. Qu'il se conduise toujours de manière à servir d'épouvantail aux factieux. Nous en causerons plus longuement, et aussi de quelques ouvertures qui nous ont été faites pour la Normandie, mais sur lesquelles je dois entretenir la reine en particulier.

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