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21 Jan

21 janvier 1793: 10 H du matin

Publié par Louis XVI  - Catégories :  #[1789-1793]

Le jour est humide, triste brumeux et froid

Selon le journal de Nicolas Guittard de Floriban (Le Journal d'un bourgeois de Paris", le thermomètre marque trois degrès au dessus de zéro

Le trajet du Temple à la place de la Révolution (anciennement Louis XV, aujourd'hui Place de la Concorde) dure une heure

Les autorités ont pris d'extraordinaires précautions

plusieurs milliers d'hommes sont sur pied

72 canons sont placés aux endroits stratégiques

100 gendarmes à cheval précèdent la voiture et 100 autres la suivrent

On redoute un coup de main

on craint aussi des manifestations populaires de symphatie pour le Roi

La veille, selon Mme Elliott, les poissardes avaient voulu se rendre à la Convention et demander aux députés la grâce du Roi

on les en avait dissuadées, mais avec beaucoup de difficulté

Santerre avait alors donné l'ordre que le lendemain, jour de l'exécution, il n'y ait dans la rue que des hommes et des hommes armés

(Ordre du jour du 20 janvier 1793, cité par Beauchesne)

 

Ce cortège sortait du Palais de Justice et entamait le long parcours de la rue St Honoré, étroite et perpétuellement encombrée.Equivalent actuel de la photo ci-dessus .
Les parisiens étaient témoins d'un quotidien défilé macabre.

Elle tourne à droite dans la rue du Temple, pour rejoindre les grands boulevards,

Poissonnière, Bonne Nouvelle, la rue de la Révolution (actuelle Rue Royale)

Il a emporté son bréviaire

Le Roi lisait avec calme la prière des agonisants et récitait alternativement avec l'abbé des psaumes 

10 H 10

Au bout d'une heure et demie, la voiture débouche enfin de la rue de la Révolution (Rue  Royale)  sur la place de la Révolution.

La palce était noire d'une multitude en armes:

Au centre, les bataillons de la section des Gravilliers, des Arcis et des lombards: à l'entrée des Champs Elysées, les fédérés d'Aix et de Marseille.

DEs gand étaient grimpés sur les grilles des Tuileries

Il y avait sur place au moins 20 000 hommes

A droite en regardant la Seine, au milieu d'un espace encadré de canons et de cavaliers, non loin du piédestal vide, édifié par Chalgrin qui supportait naguère la statue équestre de Louis XV le Bien-Aimé due à Boucahrdon qui fut déboulonnée (on l'avait envoyé à la fonte après le 11 août) et situé à 2 mètres de haut et le début des allées des Champs-Elysées, se dresse la guillotine peinte en rouge

Fichier:Guillotinemodels.jpg

Répliques de guillotines à l'échelle 1:6

La guillotine fut dressée à 6 toises (une douzaine de mètres environ) du piédestal de la statue de louis XV (emplacement occupé aujourd'hui par l'obélisque en direction des Champs-Elysées, légèrement à droite

Pour être les premiers au pied de l'échafaud et avoir la satisfaction de voir tomber "la tête infâme", les Vainqueurs de la Bastille, les bataillons fédérés des Provinciaux et les Brestois avaient pris les armes à une heure du matin, en accord avec le commandant de la garde nationale

La place entière est garnie de troupes.

Les spectateurs ont été refoulés très loin.

Il ne sort de leur multitude qu'un faible bruit, fait de milliers de halètements, de milliers de soupirs.

La voiture s'immobolisa au milieu d'un espace vide bordé de canons et d'une rangée de dragons à cheval, avec leur casque à chenille

 

Tout de suite, sur un ordre de AntoineJosephSanterre.jpg Antoine Joseph Santerre , l'éclat assourdissant des tambours l'étouffe...

 

0390.jpg (31734 octets)

Louis XVI au pied de l'échafaud - par Benezech - Musée de Versailles

Il est de ces hommes qui toute leur vie ont paru médiocres et qui savent noblement mourir.

Leur âme vraie perce au moment suprême.

Louis XVI est de ces caractères seconds que la catastrophe resserre, épure et grandit.

Sans aptitude pour le trône, il a mal régné.

A présent que le sort le fait échapper à sa faiblesse, à sa misère, il va finir en roi.

L'exécuteur Fichier:BalzacEpisodeTerror.jpg Sanson et deux de ses aides, venus à la voiture, ouvrent la portière

Louis ne descend pas tout de suite ; il achève sa prière.

Le Roi mettant une main sur le genou de l'abbé, leur dit d'un ton de maître:

"Messieurs, je vous recommande monsieur que voilà: ayez soin qu'après ma mort il ne lui soit fait aucune insulte; je vous charge d'y veiller"

Comme ils ne répondaient pas, il insista:

"Oui, oui, lui fit-on d'un ton bourru, nous en aurons soin; laissez nous faire"

Puis le Roi descend de voiture, trois acolytes se précipitèrent sur lui et voulurent lui ôter sa redingote

Mais il les repousa et l'ôta lui-même

Il dégrafa sa chemise, défit les boutons jusqu'à la poitrine et dégagea son cou

Il ne garda que son gilet de molleton blanc, une culotte de drap gris et des bas de soie de même couleur

Comme un des bourreaux s'approchait avec une paire de gros ciseaux, il refusa de sa faire couper les cheveux

Quant on voulu lui lier les mains, il se débattit

- Que voulez-vous? dit-il.

- Vous lier.

- Me lier, non, je n'y consentirai jamais

Indigné par l'affront, son visage est soudain devenu très rouge.

Cela lui paraissait, raconte Edgeworth de Firmont, un "outrage mille fois plus insupportable que la mort, par la violence que l'on semblait y mettre"

Les bourreaux semblent décidés à user de la force.

Il jeta un long regard de désespoir à son confesseur comme pour lui demander conseil.

L'abbé Edgeworth garda le silence mais, comme le Roi persistait, il s'écria:

"Sire, dans ce nouvel outrage je ne vois qu'un trait de ressemblance antre Votre Majesté et le Dieu qui va être sa récompense"

Faites ce sacrifice, sire

" A ces mots, relate l'abbé, le Roi leva les yeux au ciel avec une expression de douleur que je ne saurai jamais rendre"

"Assurément, dit le Roi, il ne faut rien moins que son exemple pour que je me soumette à un pareil affront"

Et se retournant vers les bourreaux:

"Faites ce que vous voudrez, je boirai le calice jusqu'à la lie"

On lui attache les poignets derrière le dos avec un moûchoir, on lui coupe les cheveux.

Louis se laissa enfin couper les cheveux sur la nuque

Puis il s'agenouille aux pieds du prêtre et reçoit sa bénédiction.

Puis il monte le roi de degré de l'échafaud, appuyé lourdement sur le bras du prêtre qui l'aide à monter les premières marches, rendues glissantes par l'humidité

Ils les monte lentement

L'échafaud était à 2 mètres du sol et l'escalier, fort raide

Les madriers et les poteaux étaient couleur sang

A la dernière marche il se redresse et, marchant d'un pas rapide, assuré et intrépide dit l'ambassadeur Pisani, il traversa toute la plate-forme, entourée d'une balustrade de bois, et se porta sur le côté gauche

Il avait le visage rouge

Les mains toujours garrottées, la tête haute, il promena son regard sur la foule

Les tambours battent au même instant

Là, face aux Tuileries, témoins de ses dernières grandeurs et de sa chute, faisant un signe avec un regard impérieux et impose le silence aux tambours qui, surpris, cessent de battre, il crie d'une voix tonnante :

"Paix, tambours... Messieurs, je demande la parole"

 

Les bourreaux étaient au nombre de 5, dont l'exécuteur des arrêts criminels en titre, le fameux Charles Henry Sanson, ses deux frères Charlemagne et louis Martin, et ses deux aides, Gros et Barré

A quatre, les bourreaux se jettent sur lui, l'allongent sur la planche.

Pendant qu'on attachait les sangles et les courroies, Louis s'écria d'une voix forte:

"Français, je meurs innocent des crimes qu'on m'impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort, je prie Dieu que le sang qui va être répandu ne retombe jamais sur la France !"

Et vous, peuple infortuné...

Combien purent entendre ces paroles hâtivement prononcées?

Bien peu sans doute

plusieurs voix crièrent aux bourreaux de faire leur devoir

Il veut continuer à parler, mais sur un ordre de Santerre (ou de Dugazon, aide de camp de ce dernier)  et de Beaufranchet, adjudant général de Santerre, à cheval  en uniforme de la garde nationale se précipite vers les tambours, leur jette un ordre.

"Non, non, ne le laissez pas parler !" et, levant son épée, fit battre à nouveau les tambours et sonner les trompettes

 

Il frappe du pied l'échafaud

- Silence, faites silence ! ...

On ne l'entend plus.

Lié à la planche verticale, le corps bascula sous le couperet

louis releva la tête, regardant fixement la multitude

La lunette, face aux Tuileries, se ferma d'un coup bref

La lame siffla

 

 

Le couperet tombe, faisant sauter la tête dans un double jet de sang qui rejaillit sur l'abbé Edgeworth qui en regardant le Roi dit:

"Fils de Saint-Louis, montez au Ciel"

0391.jpg (32128 octets)

La mort de Louis XVI - gravure d'après Fious

Il est 10 H 22

Le plus jeune des aide-bourreaux, Gros, ramassa la tête par les cheveux qui avaient conservé leurs fisures, on eût dit une "tête à perruque", et par deux fois fit le tour de l'échafaud en la montrant au peuple

MArseillais et fédérés mirent leurs chapeaux, casques et bonnets au bout de leurs piques en criant de joie:

« Vive la nation !Vive la République ! »

Des furieux escaladent l'échafaud et trempent leurs piques, leurs sabres, leurs mouchoirs, leurs mains dans le sang.

 

0392.jpg (26917 octets)

Procès-verbal de l'exécution - Archives Nationales

Selon le procès-verbal de l'exécution (dressé par les deux commissaires, Roux et Bernard, aussitôt après)

Quelques voix leur répondent.

Mais le vrai peuple reste muet.

Pour le disperser, il faut longtemps...

L'abbé descend de la plate-forme et fuit, l'esprit perdu.

Le procès-verbal est lu le jour même à la Convention

Après la lecture, Santerre tient à dire quelques mots

il se félicite de la bonne discipline de la force armée "qui a été, dit-il, on ne peut plus obéissante"

il ajoute ensuite:

"Louis Capet a voulu parler de commisération au peuple, mais je l'en ai empêché pour que la loi reçût son exécution"

Ce rapport est infidèle

Certes Santerre est intervenu (ou son aide de camp), mais alors Louis XVI avait déjà parlé

Et surtout il n'avait pas parlé de "commisération"

Il n'avait pas demandé la pitié, mais donné son pardon et offert sa vie.

Les commissaires dans leur procès-verbal avaient effacé ces paroles

mais Santerre, lui, porte un faux témoignage en les dénaturant

Ennemi acharné de Louis XVI, le mensonge révolutionnaire n'épargne même pas les derniers instants de sa vie

Les restes de Louis XVI, transportés dans un tombereau au cimetière de la Madeleine, rue d'Anjou, furent placés dans une bière emplie de chaux vive et enfouis dans une fosse que recouvrit encore une épaisse couche de chaux.

Un prêtre constitutionnel marmotta quelques prières sur la tombe, profanation suprême, mais le dernier mot, même devant un cadavre, doit rester à la loi.

Tandis que résonnaient les canons et les vivats, Marie-Antoinette s'était agenouillée en le saluant du titre de Roi

Ce Louis XVII, dont le nom était brodé sur les bannières de l'Armée Catholique et Royale, ce petit Capet au regard sombre des enfants résignés, allait devenir l'enjeu de toutes les factions qui se disputaient implacablement le pouvoir, Girondins, Dantonistes, Hébertistes, Robespierristes

Il fallait lui aussi qu'il mourûr

La Commune l'arracha de sa mère, à sa tante et à sa soeur, confia son éducation à un fruste cordonnier qui lui apprît consciencieusement la "Carmagnole" et une bordée de jurons et de blasphèmes afin de faire de lui un vrai sans-culotte

on l'ennivra, on alla jusqu'à lui faire signer contre sa mère et sa tante la plus atroce déposition qu'un esprit pervers puise imaginer

("J'en appelle à toutes les mères", dira Marie-Antoinette indignée)

Puis on le claquemura dans l'ancienne chambre de son père, au second étage de la grosse tour, le laissant au milieu de ses ordures expier les "crimes de sa race" 

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