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22 Jan

22 janvier 1793: Le moniteur

Publié par Louis XVI  - Catégories :  #Calendrier

L'impassible Moniteur, ce fidèle miroir des impressions officielles du moment, publiait, le lendemain du 21 janvier 1793, l'article suivant:

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« La tête de Louis est tombée à dix heures vingt minutes du matin.

Elle a été montrée au peuple.

Aussitôt mille cris: Vive la nation ! Vive la république française! se sont font entendre. Le cadavre a été transporté sur-le-champ et déposé dans l'église de la Magdeleine, où il a été inhumé, entre les personnes qui périrent le jour de son mariage , et les Suisses qui furent massacrés le 10 août. La fosse avait douze pieds de profondeur et six de largeur ; elle a été remplie de chaux.

« Deux heures après, rien n'annonçait dans Paris que celui qui naguère était le chef de la nation venait de subir le supplice des criminels. La tranquillité publique n'a pas été troublée un instant. »

Analysant ensuite le testament de Louis XVI, le Moniteur trouvait dans ce document, sacré, pour ainsi dire, des preuves suffisantes de la mauvaise foi du monarque, que l'on n'appelait plus alors que Louis Capet; preuves faites pour tarir , dans les âmes les mieux prévenues en sa faveur, les sentimens de pitié que pouvait inspirer une fin aussi tragique.

« Mais, ajoutait le Moniteur, laissons Louis sous le crêpe ; il appartient désormais à l'histoire. Due victime de la loi a quelque chose de sacré pour l'homme moral et sensible »

Le journaliste jacobin Prudhomme , dans son journal les Révolutions de Paris , consacra aussi un long article aux derniers instans de Louis XVI. Le numéro qui le contient est illustré d'une gravure représentant le supplice de ce monarque, au moment où le bourreau montre sa tête au peuple. Voici quelques détails peu connus empruntés au journal de Prudhomme, dont la collection commence à devenir rare:

« Les prêtres et les dévotes, disait ce journaliste, qui déjà cherchent sur leur calendrier une place a Louis XVI parmi les martyrs, ont fait un rapprochement de son exécution avec la passion de leur Christ. A l'exemple du peuple juif de Jérusalem, le peuple de Paris déchira en deux la redingote de Louis Gapet, scinderunt vestimenta sua, et chacun voulut en emporter chez soi un lambeau ; mais c'était par pur esprit de républicanisme. Vois-tu ce morceau de drap, diront les grands-pères à leurs petits-enfans; le dernier de nos tyrans en était revêtu le jour qu'il monta à l'échafaud, pour périr du supplice des traîtres.

« Jacques Roux, l'un des deux municipaux prêtres, nommés par la commune commissaires pour assister à l'exécution de Louis Capet, dit que les citoyens ont trempé leurs mouchoirs dans son sang.

Cela est vrai; mais Jacques Roux le prêtre , qui, dans sa mission auprès du ci-devant roi, lui parla plutôt en bourreau avide de hautes-œuvres (1) qu'en magistrat du peuple souverain , aurait dû ajouter, dans son rapport au conseil général, que quantité de volontaires s'empressèrent aussi de tremper dans le sang du despote le fer de leurs piques, la baïonnette de leurs fusils ou la lame de leurs sabres. Les gendarmes ne furent pasdes derniers. Beaucoup d'officiers du bataillon de Marseille et autres imbibèrent de ce sang impur des enveloppes de lettres qu'ils portèrent à la pointe de leur épée, en tête de leur compagnie, en disant : Voilà du sang d'un tyran.

« Un citoyen monta sur la guillotine même , et plongeant tout entier son bras nu dans le sang de Capet, qui s'était amassé en abondance , il en prit des caillots plein la main, et en aspergea par trois fois la foule des assistans, qui se pressaie nt au pied de l'échafaud, pour en recevoir chacun une goutte sur le front. Frères, disait le citoyen en faisant son aspersion, frères, on nous a menacés que le sang de Louis Capet retomberait sur nos têtes; eh bien I

(1) Lorsque Jacques Roux alla avec son collègue chercher Louis au Temple, pour le mener à la mort, marchons, lui dit-il, l'heure du supplice est arrivée. Capet ayant voulu lui remettre son testament, Jacques Roux le refusa, en disant: Je ne suis chargé que de vous conduire à Féchafaud. A quoi Louis répondit: C'est juste.

qu'il y retombe ; Louis Capet a lavé tant de fois ses mains dans le nôtre 1 Républicains, le sang d'un roi porte bonheur. »

Au dire même de Prudhomme, jacobin avéré, cette scène de cannibales « digne, dit-il, du pinceau de Tacite » souleva d'indignation tout homme en qui battait encore un cœur honnête, et une voix courageuse cria du milieu de la foule : « Mesamis,que faisons-nous ? Tout ceci va être rapporté ; on va nous peindre chez l'étranger comme une populace féroce et qui a soif de sang ! »

Prudhomme signale aussi le fait d'un ancien militî»ire , décoré de la croix de Saint-Louis, qui mrurut de douleur en apprenant le supplice du roi; il ajoute qu'un libraire, nommé Ventre, en devint fou, et qu'un perruquier très connu de la rue CultureSainte-Catherine se coupa le cou de désespoir.

Ces détails, qui sont autant d'aveux , sont prédeux à recueillir venant d'un forcené tel que Prudhomme, affectant, d'autre part, de représenter le peuple de Paris comme joyeux de l'assassinat de Louis XVI.

« Les riches magasins , dit encore Prudhomme, les boutiques , les ateliers n'ont été qu'entr'ouverts toute la journée , comme jadis les jours de petite fête. » On serait vraiment tenté de croire, en lisant ces lignes, que tous ces bons bourgeois se livraient au repos en signe de joie, si Prudhomme lui-même n'ajoutait point que « la bourgeoisie commença un peu à se rassurer vers les midi, quand elle vit qu'il n'était question ni de meurtres , ni de pillage. » Le soir, tous les spectacles furent ouverts, et quelques misérables dansèrent à l'entrée du ci-devant pont Louis XVI.

Prudhomme n'est point embarrassé pour expliquer la physionomie triste et silencieuse que la capitale conserva pendant toute la journée du 2l janvier. Ecoutons-le : il devient même léger, il oublie, pour un moment, de tremper sa plume dans le sang royal: « Les femmes, dit-il, de qui nous ne devons pas raisonnablement exiger qu'elles se placent tout de suite au niveau des évènemens politiques, furent en général assez tristes; ce qui ne contribua pas peu à cet air morne que Paris offrit toute la journée. Il y eut, peut-être, quelques larmes de versées; mais on sait que les femmes n'en sont pas avares. Il y eut aussi quelques reproches, même quelques injures. Tout cela est bien pardonnable à un sexe léger, fragile, qui a vu luire les derniers beaux jours d'une cour brillante. Les femmes auront quelque peine à passer du règne de la galanterie et du luxe à l'empire des mœurs simples et austères de la république ; mais elles s'y feront quand elles se verront moins esclaves, plus honorées et mieux aimées qu'auparavant. »

Pour'rendre notre étude plus complète, nous pourrions faire des enprunts au trop fameux Père Duchène, ainsi qu'à une foule d'autres publications révolutionnaires de 93 ; mais nous avons hâte de quitter les feuilles sanguinaires et de montrer qu'il y avait encore en France, malgre rabaissement où elleétait tombée, des écrivains courageux, qui osèrent au péril de leur vie, élever des protestations en face de l'échafaud de Louis XVI.

Nicolle deLadevize, rédacteur du Journal français*, qui parut du 15 novembre 1792 jusqu'au 7 février 1793, publia dans son journal], le lendemain même de la mort de Louis XVI, l'article suivant:

« II est inutile de le dissimuler : Paris est plongé dans la stupeur. La douleur muette, pour me servir d'une expression de Tacite, se promène dans les rues, et la terreur, qui enchaîne l'expression de tous les sentimens , se lit gravée sur le front des citoyens. Le roi est mort ; l'anarchie est-elle aux abois? Les factieux sont-ils terrassés ? La sûreté individuelle des citoyens est-elle respectée ? l'assassin qui me poignardait est-il enchaîné? Hélas ! jamais l'émigration ne fut plus active, plus effrayante Vous ne savez donc pas que le comité de surveillance a été renouvelé, et que la liste des membres qui le composent est souillée encore une fois des noms de Bazire, des Chabot et d'autres hommes de sang, qui, dans ce moment, disposent souverainement de la réputation, de la fortune et de la vie des citoyens ? C'est le conseil des dix de Venise ; ils n'ont qu'à dire : poignardez et l'on poignardera.»

Nicolle fut arrêté le jour même de la publication de cet article, et il ne dut son salut qu'à l'influence, prépondérante encore, du parti Girondin qui, se voyantmenacé lui-même, cherchait alors à sauvegarder les derniers restes de la liberté. (1)

La Feuille du Matin publia, vers le même temps, pour être gravée sur le tombeau d'un grand personnage, mort en janvier 1793, l'épitaphe que roici:

Ci-gisent la vertu, l'honneur et l'innocence,
Et tout le bonheur de la France.

Dans la même feuille du 8 février, on lisait cet article:

« Une dame nous prie instamment d'insérer dans notre journal l'épitaphe ci-après , que nous croyons être celle de Charles I":

Ci-gît, qui', malgré ses bienfaits,
Fut immolé par ses propres sujets,
Et qui, par un courage inconnu dans l'histoire,
Fit de son échafaud le trône de sa gloire.

Des complaintes furent chantées dans les rues de Paris, en faveur de l'infortuné Louis XVI. Prudhomme s'en plaignit dans son journal, et déclara que ces chants produisaient une certaine émotion, aux barrières, dans les guinguettes; l'une, sur l'air de la Passion produisit une profonde sensation. Le journal la Feuille du Matin, dont nous venons de parler, contient, dit M. Monseignat, déjà cité , dans le numéro du 13 février, une romance en neuf couplets, qui

(1) Un chapitre de la Révolution françatse ou Hisdes journaux en France de 1789 à 1799 , par Ch. de Monseignat.

n'est autre chose que le testament de Louis XVI, mis en vers. Dans le numéro du 19 du même mois, on trouve, d'après les feuilles allemandes, la relation du service célébré pour Louis XVI à Willingen. avec le discours prononcé dans cette circonstance par le prince de Condé.

Nous devons mentionner aussi un autre genre de courage des plus honorables. Un certain Louis Leduc adressa le 21 janvier, à la Convention, une lettre par laquelle il demandait que le corps de Louis Capetlui fut remis pour le transporter à Sens et lui donner la sépulture.

La Convention passa à l'ordre du joar, et sur la proposition d'un de ses membres, elle décréta que le conseil exécutif serait chargé de faire inhumer le corps de Louis Capet, dans le lieu destiné aux inhumations de la section dans l'étendue de laquelle il devait être supplicié.

En présence de ces manifestations et de la crainte qui s'empara des juges de Louis XVI, a la suite de l'assassinat commis, la veille même de l'exécution , par le garde du corps Paris, sur la personne du conventionnel régicide Lepelletier Saint-Fargeau, on n'osa point, à Paris, célébrer la mort du roi par des fêtes ; les démagogues se contentèrent, pour le moment, des réjouissances publiques, organisées, dans chaque département, par une poignée de misérables qui les imposèrent à la nation stupéfiée par l'horreur.

Nous allons voir comment furent organisées les fêtes qui eurent lieu à Marseille , lorsqu'on y apprit le supplice du Roi.

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