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16 Oct

Ce 16 8bre, 4heures ½ du matin

Publié par Louis XVI  - Catégories :  #[1789-1793], #Octobre

Ce 16 8bre, 4heures ½ du matin

4 H
Vers quatre heures du matin, nous dit Rosalie  Lamorlière, elle apprend le verdict.

4H 30

Vers quatre heures trente, Marie Antoinette se met à rédiger.

Elle porte toujours sa robe de veuve, celle dans laquelle elle a comparu.

Combien de temps met-elle à écrire sa lettre à Elisabeth ?

On l'ignore.

C'est à vous, ma sœur, que j'écris pour la dernière fois; je viens d'être condamnée non pas à une mort honteuse, elle ne l'est que pour les criminels, mais à aller rejoindre votre frère.

Comme lui innocente, j'espère montrer la même fermeté que lui dans ces derniers moments.

Je suis calme comme on l'est quand la conscience ne reproche rien; j'ai un profond regret d'abandonner mes pauvres enfants; vous savez que je n'existais que pour eux, et vous, ma bonne et tendre sœur, vous qui avez par votre amitié tout sacrifié pour être avec nous, dans quelle position je vous laisse !

J'ai appris par le plaidoyer même du procès que ma fille était séparée de vous. Hélas ! la pauvre enfant, je n'ose lui écrire, elle ne recevrait pas ma lettre, je ne sais même pas si celle-ci vous parviendra, recevez pour eux deux ici ma bénédiction.

J'espère qu'un jour, lorsqu'ils seront grands, ils pourront se réunir avec vous et jouir en entier de vos tendres soins.

Qu'ils pensent tous deux à ce que je n'ai cessé de leur inspirer: que les principes et l'exécution exacte de leurs devoirs sont la première base de la vie; que leur amitié et leur confiance mutuelle en feront le bonheur; que ma fille sente à l'âge qu'elle a, elle doit toujours aider son frère par les conseils que son [mot rayé dans l'original] l'expérience qu'elle aura de plus que lui et son amitié pourront lui inspirer ; que mon fils, à son tour, rende à sa sœur tous les soins, les services, que l'amitié peut inspirer; qu'ils entent enfin tous deux que, dans quelque position où ils pourront se trouver, ils ne seront vraiment heureux que par leur union, qu'ils prennent exemple de nous: combien, dans nos malheurs, notre amitié nous a donné de consolations, et dans le bonheur on jouit doublement quand on peut le partager avec un ami ; et où en trouver de plus tendre, de plus cher que dans sa propre famille ?

Que mon fils n'oublie jamais les dernier mots de son père que je lui répète expressément : qu'il ne cherche pas à venger notre mort.

J'ai à vous parler d'une chose bien pénible à mon cœur.

Je sais combien cet enfant doit vous avoir fait de la peine ; pardonnez-lui, ma chère sœur ; pensez à l'âge qu'il a, et combien il et facile de faire dire à un enfant ce qu'on veut, et même ce qu'il ne comprend pas; un jour viendra, j'espère, où il ne sentira que mieux tout le prix de vos bontés et de votre tendresse pour tous deux.

Il me reste à vous confier encore mes dernières pensées.

J'aurais voulu les écrire dès le commencement du procès; mais outre qu'on ne me laissait pas écrire, la marche en a été si rapide, que je n'en aurais réellement pas eu le temps.

Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine, dans celle où j'ai été élevée, et que j'ai toujours professée, n'ayant aucune consolation spirituelle à attendre, ne sachant pas s'il existe encore ici des prêtres de cette religion, et même le lieu où je suis les exposerait trop s'ils y entraient une fois.

Je demande sincèrement pardon à Dieu de toutes les fautes que j'ai pu commettre depuis que j'existe.

J'espère que, dans sa bonté, il voudra bien recevoir mes derniers vœux, ainsi que ceux que je fais depuis longtemps pour qu'il veuille bien recevoir mon âme dans sa miséricorde et sa bonté.

Je demande pardon à tout (sic) ceux que je connais et à vous, ma sœur, en particulier, de toutes les peines que, sans le vouloir, j'aurais pu vous causer.

Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu'ils m'ont fait.

Je dis adieu à mes tantes et (un mot rayé] et à tous mes frères et sœurs.

J'avais des amis, l'idée d'en être séparée pour jamais et leurs peines sont un des plus grands regrets que j'emporte en mourant, qu'ils sachent au moins que, jusqu'au dernier moment, j'ai pensé à eux.

Adieu, ma bonne et tendre sœur; puisse cette lettre vous arriver !

Pensez toujours à moi, je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants: mon Dieu ! qu'il est déchirant de les quitter pour toujours ! Adieu, adieu ! Je ne vais plus m'occuper que de mes devoirs spirituels.

Comme je ne suis pas libre dans mes actions, on m'amènera peut-être un prêtre, mais je proteste ici que je ne lui dirai pas un mot, et que je le traiterai comme un être absolument étranger.

Bibliographie

  • Olivier BLANC, La dernière lettre. Prisons et condamnés de la Révolution 1793-1794, Paris, Robert Laffont, 1984.
  • A. DUCROT, Histoire de faux ? Une lettre de Marie-Antoinette à la princesse de Lamballe, dans Histoires d’archives. Recueil d’articles offert à Lucie Favier par ses collègues et amis, Paris, Société des amis des Archives de France, 1987. P.277-289.
  • A. KUSCINSKY, Dictionnaire des conventionnels, Paris, 1916, réimpr.1987.
  • L’Affaire des papiers de l’ex-conventionnel Courtois, par son fils, Paris.
  • H. SANSON, Sept générations d’Exécuteurs, 1688-1847, Mémoires des Sanson, mis en ordre, rédigés et publiés par H. Sanson, Paris, Décembre-Alonnier, s.d.
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