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09 Aug

10 août 1792: Prise des Tuileries

Publié par Louis XVI  - Catégories :  #[1789-1793]

Une insurrection a lieu à Paris; Vergniaud, président de l'Assemblée, décrète la suspension du Roi

Formation d'une Convention Nationale, instauration du suffrage universel et constitution d'un Conseil Exécutif (composé de Danton, Lebraun, Monge, Roland, Sevran et Clavière)

Troisième coup d'état 
Le roi est suspendu de toutes ses fonctions, il est emprisonné, les pièces de son procès sont réunies et l'Assemblée législative décide la réunion d'une Convention Nationale pour le juger.
1792
Aux Armes Citoyens
conduits par les "Marseillais" des émeutiers s'emparent des Tuileries, Le Roi et sa famille sont conduits au Temple.
Dans la soirée la commune de Paris transmet aux sections les listes d'insermentés.

Une vidéo qui retrace la guerre sanglante de la Révolution Française en 1792.
La Prise des Tuileries le 10 août 1792 par Jean Duplessis-Bertaux, Musée du château de Versailles
La Prise des Tuileries le 10 août 1792 par Jean Duplessis-Bertaux,
(Musée du chateau de Versailles)
Informations générales
Date 10 août 1792
Lieu Palais des Tuileries
Issue Victoires des Gardes nationaux et des Sans-Culottes
Belligérants
Garde suisse,
Bataillon des Filles-Saint-Thomas
Garde nationale
de Marseille et de Brest,
Sans-Culottes
Commandants
Louis XVI
Augustin-Joseph de Mailly
Charles-Alexis Alexandre
Claude Fournier-L'Héritier
Claude François Lazowski
Antoine Joseph Santerre
François-Joseph Westermann
Forces en présence
950 gardes suisses
200 à 300 nobles armés
2 000 à 3 000 gardes nationaux (dont une partie déserte)
20 000 hommes
12 canons
Pertes
~ 650 morts au combat
~ 300 prisonniers (dont ~ 200 meurent en prison)
entre 200[1] et plus de 400 morts[2] (dont 316 tués et blessés parisiens[3])

 

La journée du 10 août 1792, décisive pour la Révolution, est, après le 14  juillet  1789, la plus importante des grandes journées révolutionnaires.

 

La plupart des historiens la qualifient de seconde Révolution[4]

 

La préparation de cette journée, lourde de conséquences pour l’avenir du pays et de la Révolution, est organisée et menée par la Commune insurrectionnelle de Paris et par les sections parisiennes ; après plusieurs assauts, le peuple prend le palais des Tuileries, siège du pouvoir exécutif.

 

Mais c’est aussi la première fois, depuis le début de la Révolution, qu’une journée révolutionnaire est dirigée également contre l’Assemblée. [5]

 

Cette journée révolutionnaire consomme la chute de la monarchie constitutionnelle.

 

Sa préparation est trop complexe pour qu’on puisse en attribuer la responsabilité à un individu ou à une faction[6].

C’est aussi, le début de la première Terreur,[7] dont le point culminant sont les massacres de septembre.

 

Cette première période prend fin avec la réunion de la première session de la Convention nationale le 20  septembre  1792 et la victoire de Valmy, acquise le même jour et connue à Paris le lendemain[8]

 

Cette insurrection et ses conséquences sont communément appelés par les historiens de la Révolution française simplement « le 10 août » ; les autres désignations sont « journée du 10 août », « prise des Tuileries », « insurrection du 10 août » ou « massacre du 10 août ».

 

La révolution française

Le dernier assaut (10 août 1792)

2

Départ des tuileries - Le château emporté - Emprisonnement de la famille royale

 

Tout est perdu ?

 

Non, pas encore si l'on garde son sang-froid.

 

Le château, bien mis en défense par Mandat, peut longtemps tenir contre l'insurrection, mal armée après tout, et qui n'a pour la commander qu'un seul soldat véritable, l'adjoint de Santerre, l'Alsacien Westermann.

 

Si des maladresses, des froissements inutiles ont divisé les gardes nationaux et les gentilshommes postés à l'intérieur et dans les cours, les Suisses montrent une résolution militaire.

 

Mais Roederer qui a déjà parlementé avec les insurgés, souffle sur le roi, sur la reine, sur les ministres, son haleine panique. Joly et Champion sont revenus.

 

La Législative, en nombre insuffisant, ne peut rendre de décret, apporter aucun secours.

 

Elle plaint peut-être le roi, mais avant tout elle tremble pour elle.

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Prise des Tuileries le 10 août 1792 - par Jacques Bertaux - Musée de Versailles


- Sire, dit Roederer, d'un ton animé, Votre Majesté n'a pas cinq minutes à perdre. Il n'y a de sûreté pour elle que dans l'Assemblée nationale... Vous n'avez pas dans les cours un nombre d'hommes suffisants; leur volonté n'est pas bien disposée.

- Mais, réplique Louis, je n'ai pas vu beaucoup de monde au Carrousel.

- Sire, il y a douze pièces de canon, et il arrive un monde immense des faubourgs.

 

La reine ne veut pas s'abandonner ainsi...

- Mais, monsieur, répète-t-elle, nous avons des forces.

- Madame, tout Paris marche...

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Vergniaud - dessin par Duranceau - Musée Lambinet


Ce n'est pas vrai.

 

Les insurgés sont tout au plus dix mille, et leur masse est flottante, s'agrège mal.

 

Que le château tienne quelques heures et l'Assemblée pourra agir, le sentiment public se retourner.

 

Témoin l'attitude même des instigateurs de l'insurrection : Marat piétine dans sa cave et Robespierre dans son grenier. Roederer alors se fait de plus en plus pressant :

- Sire, ce n'est plus une prière que nous venons vous faire, nous vous demandons la permission de vous entraîner.

 

Pour un peu, dans son ardeur à fuir, il prendrait Louis par les épaules...

 

Le roi, assis près d'une table, les mains sur les genoux, reste muet. La reine se débat encore:

- Quoi, sommes-nous seuls ? Ne peut-on agir ?

- Oui, madame, seuls, l'action est inutile, la résistance impossible.

Et il ajoute :

- Songez, madame, à la responsabilité dont vous vous chargez.

 

Louis regarde longuement Roederer.

 

Puis il se retourne vers la reine et, se levant, dit

- Allons, il n'y a plus rien à faire ici... Marchons.

Mme Elisabeth s'avance

- Monsieur Roederer, vous répondez de la vie du roi ?

- Oui, madame, sur la mienne, je marcherai immédiatement devant lui.

 

Il demande à Louis XVI de ne prendre avec soi personne de sa cour pour se rendre à l'Assemblée.

 

Le suivront seulement les magistrats du département et les ministres.

 

La reine obtient pourtant que Mmes de Lamballe et de Tourzel soient admises à l'accompagner.

- Nous serons bientôt de retour, dit-elle à Jarjayes...

 

La famille royale traverse le jardin entre deux haies de Suisses et de gardes nationaux.

 

Le roi a pris au passage le chapeau d'un soldat; il suit Roederer.

 

Les ministres donnent le bras aux princesses.

 

La reine tient par la main son fils ! qui souvent lui échappe pour gambader dans l'amas des feuilles rassemblées par les jardiniers.

- Voilà bien des feuilles, dit Louis, elles tombent de bonne heure cette année.

 

Nul ne répond.

 

Le cortège va lentement jusqu'à la terrasse des Feuillants.

 

A peu de distance du degré, une députation de la Législative vient au-devant des souverains pour leur offrir asile. Une multitude encombre la terrasse et proteste:

«Non, ils n'entreront pas à l'Assemblée; Ils sont la cause de tous nos malheurs ! »

 

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L'Assemblée envahie par la foule qui invective la famille Royale réfugiée dans la loge du logographe - dessin de Gérard - Musée du Louvre

Il faut attendre plus d'un quart d'heure, tant la presse est forte et menaçante.

 

La reine est assaillie d'invectives.

 

On lui vole sa montre et sa bourse.

 

Le dauphin lui est arraché par un sapeur qui va le déposer dans la salle du Manège sur le bureau des secrétaires.

 

Le roi est moins maltraité.

 

Enfin le cortège peut reprendre sa marche et pénétrer dans la salle.

 

Tandis que sa suite s'assied au banc des ministres, Louis va se placer à gauche du président Vergniaud :

- Je suis venu ici, dit-il, pour éviter un grand crime et je pense que je ne saurais être plus en sûreté qu'au milieu de vous, messieurs.

 

Vergniaud répond d'une phrase de parade :

- Sire, l'Assemblée met au rang de ses devoirs les plus chers le maintien de toutes les autorités constituées, nous saurons tous mourir à notre poste pour le remplir...

 

Cette promesse, on va voir comme elle sera tenue...

 

Chabot, le ton rogue, observe que l'Assemblée ne peut délibérer en présence du roi.

 

Il est conduit alors avec les siens dans une étroite loge, placée derrière le fauteuil du président, et qui sert d'habitude aux rédacteurs du journal Le Logographe.

 

La famille s'y entasse comme elle peut.

 

Le roi assis sur le devant, suit les débats, impassible, avec sa lorgnette de poche.

 

La reine se tient un peu en arrière, les joues ardentes, les yeux étincelants

 

D'esprit, elle est encore avec les défenseurs des Tuileries.

 

On entend la fusillade et bientôt l'ébranlement du canon.

 

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D'Hervilly - gravure du temps


Du moment que le roi l'a abandonné pour chercher refuge à l'Assemblée, le château ne devrait plus être défendu; surtout il ne devrait plus être attaqué. Mais la porte de la Cour Royale, on ne sait par quel ordre, s'est ouverte devant l'avant-garde des insurgés, composée des Marseillais des fédérés bretons, de gardes nationaux des Gobelins, de canonniers du Val-de-Grâce, conduits par Westermann qui, gesticulant, monte un petit cheval noir.

 

Ils arrivent jusqu'aux grilles qui forment le vestibule du château en criant aux défenseurs

«Frères, rendez-vous, venez avec nous »

 

Ils mettent en même temps en batterie six pièces abandonnées sur les côtés de la cour Quelques Suisses jettent leurs cartouches par les croisées.

 

Un certain nombre de gendarmes se retirent, au cri de

« Vive la nation ! »

 

Bien encadrés, habitués à une discipline stricte, la plupart des Suisses, quoique le départ des deux compagnies qui ont accompagné la famille royale à l'Assemblée les ait fort réduits, sont encore capables de résistance.

 

Certains sont aux fenêtres avec des gentilshommes volontaires, d'autres ont été massés sur les marches du grand escalier qui descendant des appartements et de la chapelle débouche dans le vestibule.

 

Mêlés aux habits bleus des Filles-Saint-Thomas, protégés par une espèce de barricade, le fusil en joue, ils attendent l'attaque.

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Le billet du Roi aux Suisses - Musée Carnavalet


La horde de Santerre s'est avancée au pied de l'escalier Westermann, en allemand, parlemente avec les Suisses. Recourbant leurs piques dont ils font des crochets, des insurgés attirent quelques gardes par leurs buffleteries

 

Les officiers suisses commandent alors de tirer...

 

Un feu bien réglé, bien nourri, prend en enfilade cette masse grouillante où chaque coup fait plusieurs victimes...

 

Dès la première décharge les morts jonchent le pavé; les survivants de fuir à toutes jambes vers la porte Royale.

 

Cent vingt Suisses, conduits par les capitaines Dürler et Pfyffer, s'emparent de quatre pièces de canon, déblaient la cour et, pénétrant dans le Carrousel, tirent à mitraille sur les Marseillais, peleton de tête des insurgés.

 

Fauchés presque à bout portant, ceux-ci évacuent la place.

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Clermont-Tonnerre - dessin anonyme - B.N. Estampes


Mais le gros, les forces des faubourgs, arrive en colonnes par le quai. Vers dix heures, ce qui reste des Marseillais le rejoint et la bataille recommence.

 

Les Suisses dès lors sont entre deux feux. Ils manquent de munitions.

 

Les insurgés les repoussent avec des pertes sévères et, cour après cour, les forcent à se replier sur le château.

 

L'Assemblée, avertie par plusieurs émissaires, suit les péripéties de la lutte dans une extrême agitation.

 

Dans son désarroi, elle use le temps en résolutions vaines.

 

Elle met la sécurité des personnes et des propriétés sous la sauvegarde du peuple de Paris !

 

Elle envoie des corrimissaires pour « calmer » ledit peuple.

 

Tout cela au bruit de la mitraille. Des gardes nationaux armés entrent et annoncent faussement du reste - que le «château est forcé »

 

La foule alors pénètre dans l'Assemblée, criant à la trahison des Suisses, à la perfidie du roi. Elle demande vengeance contre les « assassins du peuple ».

 

Louis XVI, pressé par de nombreux représentants de mettre un terme au massacre, écrit deux lignes sur un bout de papier: «Le roi ordonne aux Suisses de déposer à l'instant les armes et de se retirer dans leurs casernes. »

 

Le maréchal de camp d'Hervilly, ancien chef de la garde constitutionnelle, s'offre à porter ce billet aux Tuileries.

 

Il se réserve d'ailleurs d'en faire « l'usage qu'il jugerait le plus avantageux », c'est-à-dire qu'il ne le transmettra que si les Suisses ont vraiment le dessous.

 

Nu-tête, sans armes, d'Hervilly se glisse à travers les rues et court jusqu'au Carrousel.

 

Habits bleus et rouges confondus jonchent le sol.

 

Une fumée épaisse emplit les cours.

 

Au mépris des balles, d'Hervilly rallie les Suisses et veut d'abord continuer la résistance.

 

Mais les patriotes ont déjà envahi le château par la galerie du Louvre.

 

D'Hervilly exhibe alors l'ordre du roi et fait battre la retraite par les quelques tambours qu'il peut trouver.

 

Une partie des Suisses gagne le jardin et arrive au Manège, ayant perdu au passage moitié au moins de son effectif. D'autres qui sont restés à l'intérieur du château s'y défendent avec un tranquille héroïsme jusqu'au complet épuisement de leurs munitions. Après quoi ils sont égorgés.

 

Un petit détachement, marchant en bon ordre sous un feu terrible, parvient à gagner la place Louis XV.

 

Là les soldats sont entourés par la gendarmerie à cheval ralliée aux émeutiers, conduits à l'Hôtel de ville, interrogés vaguement par Huguenin et massacrés.

 

Partout où ils tombent, la plupart des cadavres sont dépouillés et mutilés avec un acharnement obscène, presque toujours par des femmes, affreuses harpies dont les premières ont parue aux 5 et 6 Octobre et qui vont accompagner désormais chaque « journée » de la Révolution.

 

Les insurgés à cette heure ont conquis le château.

 

Ceux des aristocrates, des serviteurs du roi qui n'ont pu fuir, et ils sont nombreux encore dans les appartements, sont tués et jetés par les fenêtres.

 

Meurt ainsi, parmi beaucoup d'autres, l'ancien constituant Clermont-Tonnerre qui, déplorant ses premières illusions, est venu défendre son roi.

 

Les femmes en général sont épargnées.

 

La princesse de Tarente, Mlle de Tourzel, Mme Campan ainsi échappent.

« Lève-toi, coquine, dit à cette dernière un Marseillais, la nation te fait grâce.»

 

Plusieurs femmes de la reine, quelques gentilshommes sont conduits à la prison de l'Abbaye.

 

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Le Temple - miniature du temps - collection particulière

Du haut en bas du château, des cuisines aux greniers, tout est saccagé, les meubles, tableaux, objets d'art brisés, détruits.

 

A la vérité peu de vols.

 

Les bijoux de la reine, une malle d'argenterie, de nombreuses sommes d'argent sont portés à l'Assemblée ou à la commune. Une quinzaine de voleurs pourtant sont pris.

 

Le peuple, séance tenante, les pend à la lanterne ou les fusille place Vendôme.

 

A onze heures la lutte s'achève. De nombreux bâtiments annexes des Tuileries brûlent entre les cours.

 

Ont péri six cents Suisses, deux cents gentilshommes et serviteurs.

 

Les assaillants ont environ quatre cents tués et blessés.

 

Sans le manque de munition, imputable à Pétion, il est probable qu'ils n'auraient pu triompher de la résistance valeureuse des Suisses.

 

L'attaque ayant échoué, le roi aurait pu être repris à l'Assemblée et ramené au château.

 

La Révolution dès lors prenait un autre cours...

 

Nul ne l'a mieux senti que ce jeune artilleur en retrait d'emploi, Napoléon Bonaparte, qui a vu déjà le 20 juin et qui, le matin du i o août, suit les péripéties du combat de la boutique de Fauvelet, frère de son ami Bourrienne, en plein Carrousel.

 

Il a rencontré sur son chemin « un groupe d'hommes hideux promenant une tète au bout d'une pique », et qui l'ont invité à crier:

« Vive la Nation ! » ce qu'il a fait sans difficulté car il est patriote.

 

Mais tout patriote qu'il soit, quand il gagne le jardin des Tuileries, il est saisi d'horreur devant l'hécatombe des Suisses.

 

C'est de ce jour qu'il prend le mépris de la démagogie et des suites qu'elle entraîne.

 

Il pourra biaiser avec elle pour parvenir, ce mépris profond ne le quittera plus.

 

Les Girondins se trouvent dans un embarras mortel. Ils ont laissé faire le 10 Août, ne l'ont pas - sauf Pétion - favorisé autrement que par leur inertie.

 

Ils sont épouvantés des excès du peuple.

 

Tout ce qu'ils désirent actuellement, c'est faire prononcer la suspension du roi et, ayant repris le pouvoir, rétablir l'ordre. Mais ils ne sont plus les maîtres.

 

Les maîtres, ce sont les insurgés, c'est la nouvelle Commune, c'est Robespierre, Marat, reparus au jour le danger passé, c'est plus encore Danton qui, maintenant, se targue d'avoir préparé et gagné la bataille populaire.

 

Les insurgés les pressent par des députations menaçantes.

 

Et la Commune vient signifier à l'Assemblée son installation et la mettre en demeure d'agir. Elle exige la déchéance du roi, l'élection d'une Convention nationale qui décidera de son sort. C'est ce que Pétion réclamait déjà le 3 août. Avec sa lâcheté coutumière la Législative obéit.

 

L'Assemblée, en attendant la publication de son décret, fait afficher partout dans la ville ce placard :

« Le roi est suspendu. Sa famille et lui restent en otages. »

 

Le mot est prononcé. Louis XVI n'est plus qu'un otage, presque un condamné.

 

Encore deux jours et les dernières formes seront abolies.

 

Les ministres étant chargés du gouvernement pendant la vacance du pouvoir, sous le nom de Conseil exécutif, la Gironde fait la part belle aux extrémistes.

 

Danton est nommé ministre de la Justice par deux cent vingt-deux voix sur deux cent quatre-vingt-quatre votants.

 

Le défroqué Lebrun-Tondu reçoit les Affaires étrangères et Monge, grand savant mais benêt politique, la Marine.

 

Les trois ministres du cabinet girondin, Roland, Servan et Clavière, pour la vengeance de qui en somme la monarchie est tombée, sont réintégrés dans leurs fonctions.

 

De sa logette, Louis XVI a assisté avec flegme à sa chute définitive.

 

Il est résigné à tout. Son appétit de Bourbon triomphant des pires catastrophes, tandis qu'on dépèce la royauté, il découpe tranquillement un poulet.

 

Par instants, amical, il s'entretient avec Vergniaud ou tel ou tel des députés placés près de lui.

 

La reine, elle, est restée reine.

 

Aucun souci des besoins matériels; elle n'est esclave ni du sommeil ni de la faim.

 

Attentive à tous les bruits du dehors, aux diatribes des délégations populaires, aux homélies angoissées des démagogues qui sont pris maintenant à la nasse par eux tendue, elle soutient la tête de son fils qu'anéantit l'extrême chaleur.

 

Tandis que les Suisses meurent en héros pour le prince qui les a abandonnés, elle ne baisse pas sa tête fière aux yeux battus sur qui les insultes passent sans qu'elle tressaille.

 

Elle en a déjà tant entendu !...

 

L'atroce épreuve ne finit qu'à une heure du matin.

 

La famille royale est alors conduite à un petit logement de quatre pièces dépendant du couvent des Feuillants.

 

Elle y couche sur des lits de fortune, des matelas jetés sur le plancher.

 

De rares fidèles, quelques serviteurs sont demeurés cette première nuit près d'elle.

 

Le lendemain, le roi, craignant pour eux, les oblige à le quitter.

 

C'est un trait noble de sa nature qu'il pense toujours aux autres avant de penser à soi.

 

Le baron d'Aubier, gentilhomme de sa chambre, jette sur la table un rouleau de cinquante louis.

 

Prévoyance précieuse.

 

La famille royale manque de tout, elle n'a de linge et d'habits que ce que vont lui envoyer l'ambassadrice d'Angleterre et la duchesse de Gramont.

 

Le lendemain l'Assemblée saoule de peur livre le roi à ses ennemis.

 

Le Luxembourg a été assigné pour résidence à Louis XVI et à sa famille.

 

La Commune y met obstacle sous prétexte qu'on peut s'en échapper par les catacombes.

 

L'Assemblée désigne alors l'hôtel de la Chancellerie, place Vendôme.

 

Pétion et Manuel, son acolyte, viennent aussitôt protester.

 

Ce n'est pas un hôtel, c'est une prison qu'on veut.

 

Et l'Assemblée s'incline, elle remet «la garde du roi et de sa famille aux vertus des citoyens de Paris » !

 

La vertueuse Commune porte son choix sur le Temple, non sur la charmante demeure habitée naguère par le prince de Conti, mais sur l'antique donjon, la noire tour qui a servi de trésor aux Templiers.

 

Le soir du 13 août, escortée des hurlements de la populace, la famille royale est transportée des Feuillants au Temple.

 

En passant elle peut voir, place Vendôme, la statue de Louis XIV jetée à bas.

 

 

 

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