19 août 1792
Séance du 19 août de la Commune de Paris
Mmes de Navarre, Bazire, femmes de chambre de Madame Royale, Thibaut, première femme de la Reine, Saint-Brice, femme de chambre du prince royal, Tourzel, gouvernante des Enfants du Roi, demoiselle Pauline de Tourzel, Marie-Thérèse Louise de Savoie Bourbon-Lamballe, M. Lorimier de Chamilly, premier valet de chambre du Roi et du prince royal sont mis en état d'arrestation
Ils seront conduits à l'Hôtel de la Force: scellés apposés sur leurs meubles et effets
Lors du dîner de la famille royale qui a lieu dans la chambre du Roi, entrent deux officiers municipaux
ils annoncent qu'en vertu d'un arrêté de la Commune, les personnes du service entrées au Temple avec le Roi, allaient en sortié
Le Roi s'exclame:
"Messieurs, c'est en vertu d'un ordre du Maire que ces personnes m'ont suivi"
"N'importe, l'ordre de la Commune prévaudra, elle choisira d'autres personnes pour vous servir"
"Si l'on persiste dans le dessein d'éloigner de nous les seuls serviteurs qui nous restent ici...Nous nous serviront nous-mêmes"
Malgré l'intervention de Manuel, Procureur de la Commune en ce mois d'août 1792, dans la nuit du 19 au 20 août, vers minuit, des municipaux, en frappant sur les portes, en les ouvrant, en lisant dans toutes les chambres l'arrêté de la Commune, font connaître à tous, que la Commune de Paris a donné l'ordre aux personnes qui n'appartiennent pas à la famille royale, de quitter, immédiatement, la Tour du Temple
ils contraignent tout le monde à se lever
Pauline de Tourzel écrit:
"Madame Elisabeth se leva sur le champ, elle-même m'aida à m'habiller, m'embrassa et me conduisit chez la Reine
Notre séparation d'avec la Famille Royale fut déchirante et, quoique l'on nous assurât que nous reviendrions après avoir subi un interrogatoire, un sentiment secret nous disait que nous la quittions pour longtemps"
Messieurs de Chamilly et Hue viennent à peine, de s'étendre sur le matelas qu'il partagent, que deux municipaux entrent dans la pièce:
"Etes-vous les valets?"
"Oui"
Ils leur donnent l'ordre de les suivre
Chamilly et Hue croient leur dernière heure arriver
tous sont rassemblés dans l'antichambre de la Reine
L'exiguïté des lieux accentue l'angoisse
pour ceux qui partent, c'est la rupture définitive avec le passé, pour ceux qui restent, c'est l'isolement total, l'étau qui se resserre
La famille royale n'a plus de soutien...
Si le Roi reste paisible, la Reine tente de garder auprès d'elle, sa cousine, la princesse de Lamballe
"Je vous prie de croire, Messieurs, que cette personne est de ma famille!"
En vain ! On répliqua qu'on avait ordre de l'emmener et de l'interroger
Marie-Antoinette doit se séparer de sa cousine
Peut-être se souvient-elle, à ce moment-là, des paroles qu'elles ont échangées, lors d'une fête, à Versailles, donnée en l'honneur de Joseph II, le frère de Marie-Antoinette,
C'est donc pour la vie, car seule la mort peut nous séparer
Marie Antoinette prend soin de recommander sa cousine à Madame de Tourzel
"Si nous ne sommes pas assez heureux pour nous revoir, soignez bien Madame de Lamballe; dans toutes les occasions essentielles, prenez la parole et évitez-lui autant que possible d'avoir à répondre à des questions captieuses et embarrassantes", car la princesse est sujette à des attaques de nerfs dont la Reine redoute les effets, en particulier l'état de léthargie qui s'en suit
La dernière crise de Madame de Lamballe est récente, elle a eu lieu, à l'Assemblée, dans la loge du Logagraphe
Mme de Tourzel ne peut se détacher de, son cher petit Prince, tandis que la jeune Marie-Thérèse semble effrayée par le départ des familiers, "On empêcha nos femmes de chambre de prendre congé de nous ...les gens qui emmenaient ces Dames nous avaient assurés qu'elles reviendraient après leurs interrogatoires"
Lorsque les municipaux ouvrent la porte de la petite Tour, le silence général est lourd de non-dits
A la lueur des flambeaux, les gens du Roi sortent groupés, traversent le jardin, puis montent dans trois fiacres, escortés de gendarmes qui se dirigent vers l'Hôtel de Ville de Paris
Marie-Antoinette a dû, ce soir-là, prendre dans sa chambre-salon, son fils qui était resté seul dans la salle de billard
La comparution des prisonniers, devant les autorités et la populace, est immédiate et dure toute la nuit
Madame de Tourzel ne trouve aucune possibilité de respecter les volontés de la Reine, car les interrogatoires sont individuels
Pendant leur déroulement plus ou moins long, le substitut du Procureur, Billaud-Varennes, pose des questions tendancieuses
Madame de Lamballe est appelée à trois heures du matin:
"Depuis que vous êtes au Temple, n'avez-vous pas écrit et reçu des lettres que vous cherchiez à faire passer secrètement?"
"Je n'ai reçu, ni écrit aucune lettre, que celles qui ont été remises à l'officier municipal"
"Savez-vous quelque chose de certain meuble que l'on fait pour Madame Elisabeth?"
"Non"
"N'avez-vous pas reçu, depuis peu, quelques livres de religion?"
"Non"
"Quels livres avez-vous au Temple?"
"Je n'en ai aucun"
L'interrogatoire de la princesse ne dépasse pas un quart d'heure
celui de Madame de Tourzel dure plus longtemps
on refuse de la réunir avec sa fille, qui, dit-on, ne court aucun danger, étant sous la sauvegarde du peuple
cependant, après avoir été interrogée, Pauline de Tourzel est conduite auprès de sa mère et de la princesse de Lamballe
Les prisonnières, confrontées pendant plus de 13 heures à, ces absurdes formalités et aux regards insultants...apprennent leur incarcération jusqu'à nouvel ordre, soit à la Salpêtrière, soit à la Force, selon leur choix
La Princesse de Lamballe demande, sans hésitation, d'être amenée à la Force (la prison avait été réorganisée et modernisée, sous le règne de Louis XVI)
La Princesse et toutes les femmes du petit groupe, malgré les hésitations de la Commune y sont conduites en milieu de journée, subissant les grossièretés de la foule, pendant le transfert