07 juillet 1789: Assemblée Nationale
ASSEMBLÉE NATIONALE
Présidence de M. Le Franc de Pompignan, archevêque de Vienne.
Séance du mardi 7 juillet 1789
(La séance du 7 juillet 1789 est incomplète au Moniteur.).
La séance a été ouverte à neuf heures du matin.
Il a été remis sur le bureau un grand nombre de paquets, adressés les uns aux membres de l'Assemblée nationale individuellement, les autres aux Etats Généraux en corps; quelques-uns aux ordres en particulier; et la distribution s'en est faite conformément à leurs suscriptions respectives, le secrétariat restant dépositaire de ceux qui étaient adressés aux Etats Généraux. M. le Président, après la lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin, a mis sous les yeux de l'Assemblée le résultat de celle qu'avait tenue hier au soir le comité des subsistances, pour recevoir les renseignements annoncés par un citoyen de Paris. comité des subsistances.
Extrait du procès-verbal du 6 juillet 1789.
M. le chevalier de Rutledge, et les boulangers, au nom desquels il a parlé, n'ayant pas donné de renseignements dont on puisse tirer d'utilité pour l'approvisionnement actuel de la ville de Paris, quoiqu'il en ait promis pour la suite, ceux qui font partie de son travail n'ayant rapport qu'à des temps antérieurs, et la nature des objets qu'il a traités étant entièrement du ressort de l'administration , le comité a pensé que c'était à M. le directeur général à en prendre connaissance, et l'a déclaré à M. le chevalier de Rutledge.
Signé: Talaru de Chalmazel, évêque de Coutances, président; Dupont, faisant les fonctions de secrétaire. Un de MM. les secrétaires a rendu compte de plusieurs adresses envoyées à l'Assernblée Nationale par les villes de Vitré, Saint-Jean-de-Losne, Saint-Pierre-le-Moutier, et le bourg de Saint-Valiier en Dauphiné, qui, toutes, renfermaient des protestations d'amour et de fidélité pour la ■ personne sacrée du Roi, et exprimaient des sentiments de respect, d'admiration, de reconnaissance, de cohésion pour la fermeté, la modération, le patriotisme, et les délibérations de l'Assemblée nationale. M. HernouXç député de Saint-Jean-de-Losne, a prononcé un discours et lu une déclaration dont la teneur suit : « Messieurs, permettez que je m'acquitte du devoir que m'ont prescrit les habitants de Saint-Jean-de-Losne, mes concitoyens. Qu'ils soient des premiers qui donnent à cette auguste Assemblée des preuves du patriotisme et du désintéressement qui doivent animer tous les Français. « Depuis près de six siècles, la ville de Saint-Jean-de-Losne jouit d'immunités et de prérogatives qui ne lui laissent rien à envier aux classes les plus distinguées. « Ses privilèges furent le prix et la récompense de la bravoure et de la loyauté. A chaque occasion, mes concitoyens en ont mérité la confirmation ; à chaque règne ils l'ont obtenue. « Jaloux à l'excès de leurs prérogatives, en tout temps ils les ont maintenues avec l'énergie et la fermeté qui les caractérisent. « Mais du moment que la patrie a manifesté ses besoins et sa situation déplorable, ils n'ont considéré leurs privilèges que par la satisfaction qu'ils auraient à les céder. « Us ont reconnu, ces honnêtes plébéiens, que le citoyen, qui, en tout temps, doit à la patrie le sacrifice de son sang et de sa fortune, lui doit, à plus forte raison, la restitution de ses bienfaits, lorsqu'elle-même est dans la détresse. « Ils ont reconnu qu'ils seraient indignes de succéder à leurs braves prédécesseurs, si, par un esprit d'intérêt particulier, ils retenaient des concessions qui furent la récompense du dévouement et de la générosité. « d'est d'après cette noble et intime conviction que mes concitoyens m'ont donné, non pouvoir, mais charge expresse de déclarer en leurs noms, comme en effet. « Je déclare que la ville de Saint-Jean-de-Losne « renonce, dès à présent, à tous ses privilèges « pécuniaires; et que l'effet de cette renonciation « aura lieu aussitôt que l'Assemblée nationale « aura fixé les bases de la Constitution par une « déclaration expresse des droits de la nation et « de ceux du monarque, et qu'elle aura établi « dans la répartition de toutes les charges et im-« positions l'égalité proportionnelle aux propriétés « et facultés de chaque individu. » Signé : Hernoux, député des communes du bailliage de Dijon, ayant charge des habitants de la ville de Saint-Jean-de-Losne. Ce discours et cette déclaration ont été reçus avec des applaudissements universels et il a été arrêté de les insérer d&ns le procès-verbal du jour. On a fait lecture d'une déclaration remise sur le bureau par le député de la noblesse du bailliage de la Montagne. M. le Président donne lecture de la liste des trente membres nommés hier dans les trente bureaux pour former le comité chargé de la distribution des matières sur l'objet de la Constitution
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M. le Président a dit, au nom des membrés de ce comité, que, dès hier, ils avaient poussé leur travail assez loin; qu'ils espéraient pouvoir répondre très-incessamment à l'impatience de l'Assemblée; qu'ils la priaient de vouloir bien statuer sur toutes les anciennes motions étrangères à la constitution, et n'en plus admettre, d'ici à quelque temps, qui pussent la détourner de ce grand et pressant objet. On a observé que, par le hasard des choix qui avaient été faits séparément dans chaque bureau, d'un seul de ses membres pour former le comité de distribution, il ne se trouvait dans ce comité aucun ecclésiastique. Un cri général, parti des communes, a déclaré que l'observation était juste, et qu'il fallait nommer à l'instant six commissaires dans l'ordre du clergé, pour les joindre aux trente premiers. MM. du clergé ont répondu qu'ils avaient concouru à tous les choix qui avaient été faits, qu'ils n'en désiraient point d'autres, et que leur satisfaction était entière, ainsi que leur confiance. Les communes ont renouvelé leurs instances; la noblesse s'y est jointe : le clergé a persisté dans son désintéressement et dans son refus. L'Assemblée nationale a retenti d'acclamations et de témoignages réciproques d'union et d'estime.
M. le Président a dit que, sous un double rapport, et comme ayant l'honneur de président l'Assemblée Nationale, et comme membre du clergé, il jouissait de ce combat d'honnêteté et de sensibilité; qu'il espérait qu'il n'y en aura plus jamais d'autres dans cette salle; et les acclamations ont recommencé. M. le Président annonce que depuis long temps M. l'évêque d'Autun a demandé la paroi sur la question relative aux mandats impératifs. L'Assemblée ayant témoigné qu'elle l'entendrait avec plaisir M. l'évêque d'Autun monte à la tribune.
M. de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun. La question des mandats impératifs, qui a été indiquée plutôt qu'approfondie dans une de vos dernières séances, et sur laquelle j'ai osé me permettre un projet d'arrêté, ne pouvait manquer d'exciter une grande agitation dans les esprits. À cette question semble naturellement attachée la solution d'un grand problème; elle touche à la fois aux points les plus délicats de la morale et aux principes constitutifs des sociétés. Il importe de l'analyser avec attention, même avec scrupule afin de prévenir toute équivoque, et jusqu'au plus léger prétexte d'une fausse interprétation. Les personnes de cette Assemblée les plus accoutumées à l'éclairer par d'éloquentes et profondes discussions, ne manqueront pas sans doute d'appeler tout leur talent sur un sujet d'une si haute importance; pour moi, je dois me borner à vous faire un exposé simple et analytique des différents motifs qui ont parlé à ma raison et à ma conscience, lorsque je me suis déterminé pour la motion que j'ai eu l'honneur de vous soumettre, et dans laquelle je persiste. Je me suis fait à moi-même toutes les questions qui m'ont paru appartenir à ce sujet. Et d'abord : qu'est-ce qu'un bailliage ou une portion de bailliage? c'est, non pas un état particulier, un état uni à d'autres par quelques liens seulement, comme dans tout corps fédératif; mais une partie d'un tout, une portion d'un seul état, soumise essentiellement, soit qu'elle y concoure, soit qu'elle n'y concoure pas, à la volonté géaé-: raie, mais ayant essentiellement le droit d'y con-j courir. Qu'est-ce que le député d'un bailliage? c'est l'homme que le bailliage charge de vouloir en son i nom, mais de vouloir comme il voudrait lui-même, s'il pouvait se transporter au rendez-vous ; général, c'est-à-dire après avoir mûrement délibéré et comparé entre eux tous les motifs des différents bailliages. Qu'est-ce que le mandat d'un député. ? c'est l'acte qui lui transmet les pouvoirs du bailliage, qui le constitue représentant de son bailliage, et par-là représentant de toute la nation. Les mandats doivent-ils être entièrement libres? voici ma réponse : On conçoit deux sortes de mandats que l'on pourrait appeler limitatifs, et les mandats qui gênent la liberté: les mandats qui sont vraiment impératifs. Les premiers peuvent exister. Ces deux mots semblent se rapprocher beaucoup, mais les exemples vont les séparer. Je m'explique : On conçoit trois sortes de mandats limitatifs. Un bailliage peut limiter les pouvoirs de son député, par rapport à leur durée, par rapport à leur objet, et enfin par rapport à l'époque où ils seront exercés. Par rapport à leur durée; c'est ainsi que plusieurs bailliages n'ont délégué leurs pouvoirs que pour un an; ce terme expiré, le pouvoir du député expire; il ne peut plus être exercé par lui qu'autant qu'il lui est accordé de nouveau par le même bailliage. Par rapport à leur objet; ainsi un bailliage peut très-bien dire à son député : Je vous envoie pour cette chose, et ne vous envoie que pour elle. A l'égard de cette chose, qui sera le but de la députation, l'objet de la mission, le député aura tous les pouvoirs qu'aurait le bailliage lui-même s'il était là, sans quoi il ne serait plus son représentant; mais, hors de cette chose,îln'en aura aucun; bien entendu pourtant que si la majeure partie des députés ont des pouvoirs pour un autre objet, ils pourront le remplir sans qu'il puisse y mettre d'obstacle ; car le bailliage dont il est député étant, suivant le principe qu'il ne faut jamais perdre de vue, une partie d'un tout, soumise à la volonté du tout, et par conséquent de la majeure partie, si son député Va pas le pouvoir de faire telle chose, il n'a pas non plus le pouvoir de l'empêcher : les députés la feront sans lui, et cependant la feront pour lui. — Dans cette Assemblée il y a bien peu de pouvoirs limités par rapport à l'objet; ils sont à cet égard de la plus grande étendue, puisqu'il n'existe aucun cahier d'après lequel il ne soit évident que les bailliages ont envoyé leurs députés pour régler la constitution, la législation, l'impôt, et porter la réforme dans tous les abus de l'administration. Dans la suite, lorsque la constitution aura été bien affermie, et qu'il existera une déclaration des droits qui pourra servir de boussole aux bailliages, les mandats seront nécessairement beaucoup plus restreints quant à l'objet. — Enfin, les pouvoirs peuvent être limités par les bailliages, par rapport à l'époque où ils doivent être exercés. Un bailliage a pu très-bien dire à son député : Je ne vous donne pouvoir de prononcer Vimpôt qu'après que tel ou tel objet aura été définitivement traite. Si le grand nombre des bailliages a tenu le même langage, alors dans le cas où un député proposerait de traiter l'impôt avant cet objet, le grand nombre des députés dira non, par défaut de pouvoir dire oui dans ce moment. — Pour cette tenue d'Etats généraux, il paraît que le grand nombre des bailliages n'a permis à ses députés de traiter de ce qui concerne l'impôt qu'après la constitution et le redressement d'une foule de griefs. C'est un fait à bien éclaircir, quoique du reste on ne puisse douter que la simple raison et les motifs d'une saine politique ne déterminassent les députés, dans toute supposition, •à adopter cette conduite. Voilà les trois sortes de limites que les bailliages (toujours en se soumettant à la décision de la majorité) peuvent très-légitimement poser aux pouvoirs qu'ils confient à leurs députés; mais ces mandats limitatifs n'ont rien de commun avec les mandats véritablement impératifs ou prohibitifs, tels que ceux qui sont prescrits dans l'arrêté; et je prie les membres de l'Assemblée, qui ont paru ne pas assez les distinguer, et qui ont cru pouvoir conclure des uns aux autres, de bien le remarquer. Il n'y a point de doute que les pouvoirs commis aux députés ne puissent être bornés par les commettants, et quant à l'objet, et quant au temps pendant lequel ils seront exercés ; mais une fois l'objet et le temps bien déterminés, les pouvoirs pour cet objet peuvent-ils être soumis à des clauses impératives ou prohibitives? en un mot, peut-il y avoir, outre les mandats limitatifs, des mandats impératifs? Je me suis demandé souvent ce qu'était, ce que pouvait être un mandat impératif; je n'en ai pu trouver que de trois sortes : un bailliage aura dit à son député, du moinâ en termes équivalents : « Je vous ordonne d'exprimer telle opinion, de dire oui, non, lorsque telle question sera proposée; ou bien, je vous défends de délibérer dans tel ou tel cas; ou enfin, je vous ordonne de vous retirer si telle opinion est adoptée. » Voilà tout, car sans doute on ne mettra pas au nombre des clauses impératives les divers articles des cahiers simplement énonciatifs des vœux des bailliages. S'il en était ainsi, l'Assemblée nationale serait parfaitement inutile pour tout ce qui ne concernerait pas l'impôt; on n'aurait qu'à compter un à un les vœux de chaque bailliage sur chaque article, dans un dépouillement général des cahiers; et le commis le moins habile suffirait à cette opération. Or, ces trois mandats impératifs n'ont pas pu, suivant les vrais principes, être donnés par les bailliages ; un bailliage n'a pas pu dire à son député : « Je vous ordonne de manifester telle opinion lorsque telle question sera agitée ; » car, pourquoi envoie-t-il un député? c'est certainement pour délibérer, pour concourir aux délibérations; or, il est impossible de délibérer lorsqu'on a une opinion forcée. De plus, le bailliage ne peut savoir avec certitude lui-même quelle serait son opinion après que la question aurait été librement discutée par tous les autres bailliages; il ne peut donc l'arrêter d'avance ; enfin, et c'est ce qui constitue les députés véritablement représentants, c'est aux bailliages à leur marquer le but, à leur déterminer la fin; c'est à eux de choisir la route, à combiner librement les moyens- — Au reste, quoique je pense que ce mandat s'écarte des principes, et que toute opinion manifestée d'avance ne doive être considérée q_ue comme un vœu livré à la discussion, et laissé en quelque sorte à la conscience des députés, j'avoue que je ne proscrirais pas ce mandat avec autant de sévérité que les deux autres, surtout à une première tenue d'Etats généraux, où une sorte d'inquiétude peut-être excusée ; lorsque tout ce qui intéresse à la fois et la constitution, et la législation, et tous les droits des hommes, semble être confié aux députés, et surtout si ce mandat n'était impératif que sur un petit nombre d'objets. Quant aux deux autres, les seuls qui sont dans ma motion, je crois que la clause qu'ils renferment est absolument nulle. Je vous ordonne de ne pas délibérer dans tel cas, n'a pas pu être prononcé par un bailliage à ses députés] car délibérer lorsque les autres bailliages délibèrent est à la fois un droit et un devoir ; et d'ailleurs, comme toute délibération est le vœu de la majorité lorsqu'elle commence, et son résultat quand elle finit, ne pas vouloir délibérer lorsque tous les autres délibèrent, c'est contrarier ouvertement la volonté commune et eu méconnaître l'autorité. Enfin, je vous ordonne de vous retirer si telle opinion prévaut est plus réprélïen-sibîe encore, car c'est annoncer une scission, et c'est plus ouvertement encore vouloir que la volonté générale soit subordonnée à la volonté particulière d'un bailliage ou d'une province. Au reste, en affirmant que ces deux clauses impératives sont nulles, j'ajoute'qu'elles le sont par rapport à l'Assemblée ; c'est-à-dire qu'elles doivent être pour elle comme si elles n'existaient pas ; qu'elles n'autorisent aucune protestation contre elle, qu'elles ne peuvent ni arrêter les opérations de l'Assemblée, ni donner le plus léger prétexte pour en méconnaître les décisions; que tous les suffrages prononcés dans l'Assemblée sont présumés libres; que tous les membres non délibérant*? sont présumés absents, et qu'une absence quelconque ne peut atténuer la force d'aucun de ses décrets. Ainsi, je pense sur les mandats impératifs, 1° que toute opinion commandée par un bailliage est en général contraire aux principes, puisque l'Assemblée nationale doit être librement délibérante; que, si "elle n'est pas toujours libre quant à la fin, elle doit l'être toujours quant aux moyens; 2° que l'ordre absolu donné à un député de ne pas délibérer est mauvais en soi ; car d'abord, il est insignifiant dans la supposition où les autres députés ne délibéreront pas ; il est répréhensible si les autres délibèrent, , puisqu'alors délibérer devient un devoir; et surtout il est nul par rapport à l'Assemblée, cardans aucune supposition possible il ne peut contarier sa délibération ; 3° enfin, l'ordre de se retirer de l'Assemblée si cette opinion ne prévaut pas, est bien nul encore, s'il est permis de parler ainsi, puisqu'il exprime bien plus positivement le vœu de se soustraire à la décision de l'Assemblée. Mais s'ensuit-il de là que ces clauses soient nulles pour les députés envers leurs commettants? iNon sans doute : l'arrêté exprime positivement le contraire ; car il y est dit que l'engagement particulier qui peut en résulter envers les commettants doit être promptement levé par eux; ce qui annonce en même temps, et qu'il existe des engagements en raison des clauses, et que c'est un devoir pour les commettants de ! les révoquer, non que cette révocation soit nécessaire à la validité des décrets de l'Assemblée ; mais, d'une part, parce qu'ils n'ont pas eu le droit d'assujettir ainsi leurs députés, et, de l'autre, parce qu'il est de leur avantage de concourir à former la volonté générale, puisque, dans toute hypothèse, ils s'y trouveront soumis. Je crois donc fermement que les députés sont liés envers leurs commettants par les clauses de tels mandats. C'est un principe de rigueur, il ne doit pas fléchir ici. Je ne suis pas même arrêté par le raisonnement que l'on fait, en disant qu'une clause qu'on n'a pas c-u le droit d'apposer n'est pas obligatoire; car si je pense que les commettants n'ont pas eu le droit d'insérer cette clause, je crois en même temps que le député a eu le droit de s'y soumettre; et cette soumission volontaire qu'il a exprimée, en recelant les pouvoirs, est le titre véritable de son engagement. Il n'est pas question ici d'une action immorale, qu'on n'a pas le droit'd'exiger, ni do. promettre,' ni de faire quand on l'a promise. Un député a pu promettre qu'il ne délibérerait pas dans tel cas, qu'il se retirait dans tel autre ; qu'il dirait oui ou non sur telle question, puisque c'est le vœu de ceux qu'il allait représenter. Tout le tort est dans ceux qui ont voulu être ainsi représentés ; il n'y a aucune immoralité à promettre cela; il n'y a aucune loi qui le défende : il peut donc l'exécuter; s'il le peut, il le doit; car il l'a promis en acceptant le mandat; et il est inutile de dire combien cette obligation se fortifie lorsqu'à la religion delà promesse se joint la religion du serment' Mais il m'est impossible de ne pas remarquer que l'on a exagéré prodigieusement le nombre des mandats impératifs, de ceux surtout que le serment a, dit-on, consacrés. Il y a certainement ici beaucoup d'erreurs de fait. Tout le monde a juré qu'il défendrait avec zèle les intérêts de la patrie et les droits de tous les citoyens ; qu'il suivrait dans son opinion l'impulsion de sa con science; mais bien peu, je pense, ont juré qu'ils adopteraient telle opinion en particulier; qu'ils délibéreraient de telle manière ; qu'ils se retireraient dans telle circonstance. Quant aux mandats eux-mêmes, je suis convaincu qu'il y en a très-peu dont les clauses soient véritablement impératives. Il m'a semblé qu'on se plaisait à chaque instant à confondre les articles quelconques des cahiers avec les clauses du mandat, et j'ai déjà observé combien cette erreur était dangereuse ; et pour dire ici, en finissant ce que je pense sur la fameuse question de l'opinion par ordre ou par tête, à laquelle se rapportent presque tous les mandats impératifs, je crois que, même sur ce sujet, on s'est fort exagéré la rigueur des mandats. Voici comme il me semble qu'on doit les entendre, toutes les fois du moins qu'il n'y est pas dit expressément que le député se retirera de l'Assemblée. Lorsqu'un baillage a dit à un député : vous opinerez par ordre ou bien par tête, il est impossible qu'il ait voulu lui dire par-là : 'Vous opinerez par ordre, si les autres opinent par tête ; ni vous opinerez par tête si les autres opinent par ordre; il n'a pu même prétendre décider à lui seul cette grande question; il n'a donc pu vouloir lui dire, dans le mandat le plus impératif, que ceci : lorsque cette question s'agitera, vous serez obligé de manifester mon vœu pour l'opinion par ordre; et comme en même temps chaque bailliage ou partie de bailliage a dû dire à son député qu'en tout il serait nécessairement soumis à la majorité, il a voulu par-là qu'il adoptât la décision qui serait prononcée, même sur ctette question, par la pluralité des suffrages. D'après ces réflexions, je persiste dans le projet d'arrêté que je vous ai soumis par la voie de l'impression ; et je supplie qu'on observe qu'il n'est dans tous ses points que l'expression exacte dju principe fondamental, qu'un bailliage ou portion de bailliage, n'étant qu'une partie d'un tout, est soumis essentiellement, soit qu'il y concoure ou non, à la volonté générale, dès qu'il a été dûment appelé. Voici mon projet d'arrêté : « L'Assemblée nationale, considérant qu'unbail-li âge ou une partie d'un bailliage n'a que le droit de former la volonté générale, et non de s'y soustraire, et ne peut suspendre par des mandats ijupératifs, qui ne contiennent que sa volonté articulière, l'activité des Etats généraux, déclare ue tous les mandats impératifs sont radicalement uls; que l'espèce d'engagement qui en résulte-it doit être promptement levé par les bailliages, ne telle clause n'ayant pu être imposée, et toutes *otestations contraires étant inadmissibles, et ue, par une suite nécessaire, tout décret de ljAssemblée sera rendu obligatoire envers tous les ~ ailliages, quand il aura été rendu par tous sans exception. >> J'ajouterai ces mots, nul radicalement, par rapport à VAssemblée, car cette nullité n'est vraiment que relative : elle existe pour les mandataires, elle n'existe pas pour l'Assemblée. J'ajouterai encore que l'arrêté est juste dans tèus ses points; qu'un bailliage faisant partie d'un tout est soumis à la volonté générale, soit qju'il y concoure, soit qu'il n'y concoure pas. De lqt tous les articles de ma motion. M. le cardinal de la Rochefoucauld se lève t dit : J'ai reçu un mandat impératif de la part de mes omettants ; puis-je outrepasser mon mandat sàns pQrter atteinte aux sentiments de probité qjui m'animent ? j M. Biauzat porte ensuite la parole ; il adopte lps principes de Mgr d'Autun, mais il en" tire des conséquences plus étendues.. II ne veut pas que lfon respecte les pouvoirs impératifs, même dans la main de ceux qui en sont les porteurs ; il veut qu'on les déclare nuls, et pour l'Assemblée et pour les mandataires. ! En conséquence, il propose d'ajouter l'amendement suivant : « Sans qu'il soit besoin que les députés aient recours à leurs commettants, l'Assemblée nationale autorise tous ses membres et leur enjoint d'opiner en leur âme et conscience, sauf à se conformer aux cas particuliers qui intéressent Leur province. » ] 11 appuie cet amendement par la lecture du serment que prononçaient autrefois les députés aux Etats généraux. Serment fait publiquement par les députés aux Etats généraux antérieurs. \Je promets et je jure devant Dieu, sur les saints Évangiles, de dire tout ce que je penserai en ma conscience être de Vhonnenr de Dieu, le bien de son Église, le service du Roi et le repos de l'Etat. On allait continuer cette intéressante dissertation, lorsque l'on annonce une députation de la ille de Nantes. M. Mellinet, orateur de la députation. Nous sommes envoyés par la ville de Nantes pour vous supplier de recevoir dans ce sénat auguste de la nation, les sentiments d'admiration, de respect et de reconnaissance que la sagesse et la fermeté que vous avez manifestées nous inspirent. La ville de Nantes s'est assemblée, et il a été arrêté unanimement d'envoyer vers cette auguste Assemblée, pour la féliciter de l'énergie qu'elle a déployée dans les périls dont elle a été environnée. La cité de Nantes croit qu'il est de son devoir de manifester son intention, et elle s'empresse d'adhérer à l'arrêté du 17 juin, et à ceux qui ont suivi. Nous jurons sur l'autel de la patrie, en présence du juge des rois et de leurs sujets, d'employer nos biens, nos fortunes et notre vie même, à soutenir les principes que vous avez adoptés ; à défendre l'autorité royale contre l'autorité des aristocrates, à maintenir à jamais la couronne dans la maison des Rourbons, qui ne peut avoir d'ennemis que les ennemis de la patrie. Les citoyens de Nantes chargent leurs députés de proclamer leur reconnaissance pour un Roi qui a rendu à la nation un droit qu'elle avait perdu depuis longtemps, leur vénération pour une Assemblée dont le courage ne s'est pas laissé ébranler au milieu des pièges que- ne cessaient de lui tendre la cabale et l'intrigue, etc. lis lèvent les mains au ciel pour lui demander la prospérité de cet empire, le salut de la patrie et le bonheur de tous ceux à qui nous aurons dû le nôtre. Adresse des citoyens de Nantes à VAssemblée nationale. •f « Les citoyens de ia ville de Nantes, transportés d'admiration pour la sagesse et la fermeté que les députés à l'Assemblée nationale viennent de déployer, ont arrêté d'une voix unanime d'envoyer vers cette Assemblée pour la féliciter sur l'énergie qu'elle a développée dans une occasion aussi importante pour le salut de l'Etat. « La cité de Nantes ayant eu l'avantage d'être une des premières villes qui ont élevé la voix pour réclamer les droits inaliénables des citoyens, se croit obligée de manifester de la manière la plus éclatante, son attachement aux principes dont l'Assemblée nationale vient de faire une profession si noble et si courageuse. Elle s'empresse donc d'adhérer à votre arrêté du 17 juin, et à tous ceux qui l'ont suivi. « Convaincue que l'intérêt du peuple français est-inséparable de celui de son souverain, et qu'il ne parviendra jamais à secouer le joug sous lequel il gémit depuis si longtemps, qu'en donnant la plus grande extension au pouvoir exécutif, tous les membres qu'un si pressant motif réunit dans ce moment, jurent sur l'autel de la pairie, en présence du juge redoudable des Rois et de leurs sujets, de maintenir l'autorité royale dans toute son intégrité, et de réprimer de toutes leurs forces les attentats de ceux qui auraient la hardiesse de vouloir la partager. « Remplie de reconnaissance pour cette longue suite de monarques qui ont fait des efforts pour rompre les fers forgés dans les siècles de barbarie, et rappeler l'homme à sa dignité naturelle ; pénétrée des vertus du prince bienfaisant qui a rendu à la nation ses anciennes Assemblées, et qui est persuadé que les droits du Trône et les propriétés des sujets reposent sur la même base; ils chargent leurs députés de "proclamer l'hommage respectueux de leur fidélité inviolable pour la maison régnante, de leur amour pour le Roi citoyen que Dieu leur a donné dans sa bonté ; ils lèvent leurs mains vers le ciel, et profèrent le serment de sacrifier leur fortune, de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour maintenir le sceptre dans la maison de Bourbon, pour soutenir les décrets de cette auguste Assemblée, pour défendre enfin la liberté de la nation française, qui n'eut jamais pour ennemis que les ennemis mêmes des Rois : ils appellent la vengeance sur la tête coupable des méchants qui oseraient calomnier des sujets fidèles, lorsque ces mêmes sujets ont la noble confiance de mettre leurs droits sous la sauvegarde du Trône, et ne veulent être heureux que du bonheur de leur souverain. « Les citoyens de Nantes se font un devoir sacré de rendre témoignage au zèle, aux lumières et au dévouement patriotique de l'Assemblée nationale : si on semait des pièges autour d'elle, si on tentait de l'ébranler par la terreur des menaces, ou par la séduction de l'intrigue; elle détournera ses regards, elle apercevra derrière elle vingt-cinq millions de français, qui, les yeux attachés sur cette réunion solennelle, attendent en silence quel sera leur sort et celui de leur postérité. Alors son courage s'élevant à la hauteur du sacerdoce auguste dont la patrie l'a revêtue, elle ne verra plus que la majesté du premier peuple de l'univers ; elle ne pensera plus qu'aux bénédictions dont elle sera accueillie, lorsqu'elle reviendra au milieu de nous, proclamer notre liberté, et les bienfaits d'un monarque adoré, qui ne peut être égaré longtemps, et qui, jaloux de marcher sur les traces de Louis XII et de Henri IV, sent que fa véritable grandeur est de commander à une nation libre, sait que la loi, cette émanation de la sagesse divine, doit être respectée par les potentats eux-mêmes, s'ils connaissent leurs vrais intérêts. « Les citoyens de Nantes ne se pardonneraient pas d'oublier dans ces jours de sensibilité et d'é-panchement, le tribut de reconnaissance qu'ils doivent à ce prince patriote, qui toujours, ainsi que ses aïeux, s'est déclaré l'ami du peuple; à ces ministres saints qui ont quitté l'asile paisible des autels, pour venir dans le palais des Rois nous prêcher par leur exemple, une religion de paix et à cette brave noblesse si digne de nos respects, qui n'a jamais été plus grande à nos yeux, que lorsqu'elle s'est réunie aux représentants des communes, pour travailler a la régénération de l'empire français. Signé : Mellinet, Delacourt de la Vigne, coignaud et DrOUIN de perçay, députés des communes de la ville de Nantes. M. le Président demande s'il faut faire mention du discours et de l'adresse dans le procès-verbal. Un grand nombre de voix : Oui, oui ! Plusieurs membres demandent que l'on fasse prendre séance à Messieurs de Nantes, Cette marque de déférence ne leur est pas accordée; ils se retirent au milieu des applaudissements publics. La discussion interrompue sur les mandats impératifs est reprise. M. de Lally-Tollendal. Je me crois foréé de m'expliquer sur la motion qui vous est proposée. Je vous ai dévoilé mes sentiments. S'ils se corr battent, il faut que je me justifie ; s'ils se conc lient, je n'ai plus qu'à me renfermer dans le pltis profond silence ; moi qui m'y suis douloureusement condamné, et qui ai renoncé au droit honorable de décider dans cette auguste Assemblée. Si la motion de M. l'évêque d'Autun établit des principes hors de toute atteinte ; si elle ménage les scrupules, si elle sert à l'utilité et à rinstrud-tion publique, il faut vous hâter de l'accueillir, et il est difficile de ne pas lui reconnaître ce triple caractère. , Il s'agit de décider sur des protestations : quelle en est la cause? Ce sont les mandats impératifs. Que doit-on prononcer? Développons les principes. Chaque partie de société est sujette ; la souveraineté ne réside que dans le tout réuni ; je dis le tout, parceque le droit législatif n'appartient pas à la partie du tout ; je dis réuni, parce que la nation ne peut exercer le pouvoir législatif lorsqu'elle est divisée, et elle ne peut alors délibérer en commun. Cette délibération commune ne peut exister que par représentants; là où je vois les représentants de vingt-cinq millions d'hommes, là je vois le tout en qui réside la plénitude de la souveraineté ; et s'il se rencontrait une partie de ce tout qui voulût s'élever contre la nation, je ne vois qu'un sujet qui prétend être plus fort que le tout. Il n'est pas permis de protester, de réserver ; c'e§t un attentat à la puissance de la majorité. Lels principes qui s'élèvent contre les protestations sont les mêmes contre les mandats impératifs. Quelle harmonie pourrait-il exister? Quelle serait l'Assemblée où chaque membre arriverait armé d'une protestation ou d'un mandat qui m forcerait de combattre l'opinion générale ?.Sous le premier point de vue, la motion de M. l'évèqub d'Autun est dans tous les principes. En second lieu, elle calme la conscience ; elle pardonne au scrupule ; elle ne nous dit pas : vous n'avez pu prononcer tel ou tel serment ; elle noujs fait voir que nous avons eu tort de le prononcer, mais elle ne nous en délie pas. Enfin, Messieurs, j'ai dit que la motion renfermait un grand objet d'instruction publique. S'il .existe des mandats impératifs, c'est que les citor yens croyaient avoir le droit d'en donner. Les Assemblées nationales ont été suspendues pendant si longtemps ; les dernières même étaient si dénaturées ; il fallait remonter si haut pour découvrir des vérités politiques, que tout le mondje était dans l'erreur et que chacun croyait pouvoir s'arroger le droit de commander. Mais au surplus, Messieurs, j'oserai demander un léger amendement. L'Assemblée, par une coni descendance volontaire et patriotique, pourrait accorder un délai très-court et qui n'emportât strictement que le temps d'avoir de nouveaux pouvoirs à ceux qui sont porteurs de mandats impératifs. Par là vous écarteriez les plaintes injustes, vous préviendriez des protestations partielles, et cette conciliation, cette déférence me paraît précieuse. C'est dans cet esprit que j'inviterai ceux qui ont déposé des protestations sur ce bureau d'y substituer des déclarations. Qu'il serait beau de voir tous les membres d cette grande Assemblée agir et délibérer de concert les uns avec des suffrages d'intention, les autres avec un suffrage effectif ! C'est alors que nous avancerions avec rapidité vers le bien général ; c'est alors que nous oublierions qu'il fut un temps où nous demeurâmes séparés. Mais maintenant que nous ne pouvons plus être livrés à l'erreur, profitons de ce moment pour assurer à jamais la tenue des Etats généraux, pour les faire agir, vivre et penser ausssi utilement pour l'Etat qipe pour notre gloire. Le discours de M. de Lally-Tolendal est suivi de ngs applaudissements. lo m de Plusieurs membres des trois ordres appuient la otion de M. l'évêque d'Autun, ou l'amendement M. de Lally-Tollendal.
M. Barrère. Je distingue le cas où un particulier donne des pouvoirs à un autre particulier sur les objets qui l'intéressent personnellement, diî celui où les Assemblées élémentaires donnent à des députés des pouvoirs qui doivent être exercés dans une Assemblée générale. Dans le premier cas, c'est le commettant qui est le législateur, parce qu'il ne s'agit, dans son mandat, que de son intérêt personnel; il a le droit de soumettre à sa volonté celle de son mandataire. Dans le second cas, ce sont des particuliers non législateurs qui donnent à leurs députés le pouvoir d être membres d'une Assemblée législative et d'y opiner comme leurs commettants.
Dans ce dernier cas, les commettants particuliers ne peuvent être législateurs, parce que ce n'est pas de leur intérêt particulier seulement que l'Assemblée générale doit s'occuper, mais de l'intérêt général. Or, aucun des commettants particuliers ne peut être législateur en matière d'intérêt public. La puissance législative ne commence jusqu'au moment où l'Assemblée générale des représentants est formée. S'il en était autrement, il aurait suffi aux divers bailliages, aux différents ordres composant les sénéchaussées, d'envoyer des opinions écrites et de former un assemblage d'opinions mécaniques d'après des cahiers bizarres et souvent contradictoires,
Si l'on admettait le système des pouvoirs impératifs et limités, on empêcherait évidemment les résolu fions de l'Assemblée en reconnaissant un veto effrayant dans chacun des cent soixante-dix-sept bailliages du royaume, ou plutôt dans les quatre cent trente-une divisions des ordres qui ont envoyé des députés à cette Assemblée
D'après ces raisonnements, j'adopte l'opinion de M. l'évêque d'Autun; mais j'en rejette la disposition qui tend à déclarer que l'engagement qui pourrait résulter des clauses impératives entre un député et ses commettants doit être promptement levé par eux.
Dès qu'on déclare nulles les clauses impératives des mandats, quel besoin a-t-on de recourir aux commettants? Ce n'est pas nous qui, en annulant les clauses impératives, excéderons nos pouvoirs; ce sont eux qui ont excédé les leurs. C'est donc au pouvoir constitué, devenu législatif, à remédier aux abus du pouvoir constituant, et à lui faire Connaître qu'il a entrepris sur la puissance législative de la nation, représentée par la collection de ses députés. Si quelque bailliage, ou seulement une partie, pouvait commander d'avance à l'opinion de l'Assemblée nationale, il pourrait, par la même rai-non, en repousser les décrets après coup, sous prétexte qu'ils seraient contraires à son opinion particulière.
M. l'abbé Sieyès soutient qu'il n'y a pas lieu à délibérer, à moins que, par un effet de cette condescendance et de cette bonté dont l'Assemblée nationale a usé même envers ceux qui en avaient eu le moins de reconnaissance, elle ne leur permît de retirer leurs mandats impératifs.
M. Desmontiers de Mérinville, évêque de Dijon, est d'avis que l'Assemblée ne peut se constituer, attendu le grand nombre de protestations. Il se fait encore plusieurs motions qui sont différemment accueillies. M le comte de Chambors député de la commune de Couserans, à remis ses pouvoirs qui ont été renvoyés au comité de vérification. Les pouvoirs de MM.Mourot, Roussillon, Pémar-tiri et d'Arnaudat, députés des communes de Béarn, qui avaient été remis au comité des vérifications, ont été rapportés, jugés valables, et admis. MM. les députés de Saint-Domingue ont remis sur le bureau une déclaration portant : Qu'obligés, d'après l'arrêté de la Chambre nationale du 4 de ce mois, de se réduire au nombre de six, quant à la voix délibérative, ils avaient observé dans cette réduction l'ordre des élections, de manière que chacune des provinces de Saint-Domingue eût deux représentants , Que par le résultat de cette opération, M. le chevalier de Cocherel et M. le marquis de Gouy d'Arcy étaient les représentants de la province de l'Ouest ; M. de Thebaudière, ancien procureur général, et M. l'Archevêque Thibaut, les représentants de la province du Nord; M. le marquis de Pérrigny et M. Gérard, les représentants de la province du Sud ; Que sur.ces six députés,il s'en trouvait quatre qui venaient d'arriver de Saint-Domingue; Qu'enfin les douze autres députés auxquels l'Assemblée nationale avait accordé droit de séance, étaient:
Pour l'Ouest.
M. le comte de Gormand. M. le chevalier de Courejolles, M. le comte de Magallon. M. le chevalier Doujé. Pour le Nord.
M. le comte de Reynaud. M. le marquis de Rouvray. M. le comte de Villeblanche. M. le comte de Noë. Pour le Sud.. M. le Gardeur de Tilly. M. le chevalier de Marmé. M. de Fitz-Gerald Bodkin. M. Duval de Mouville.
M. le Président a levé la séance après l'avoir prorogée à demain, neuf heures du matin, et après avoir annoncé que toute discussion était terminée sur la motion relative aux mandats impératifs; qu'il ne restait plus qu'à recueillir les voix, et qu'on y procéderait demain à l'ouverture de la séance.
annexe à la séance du mardi 7 juillet 1789,
Majorite de la noblesse
La majorité de la noblesse se rassemble toujours après l'Assemblée générale dans des comités particuliers, et voici le fruit de leurs délibérations.
Déclaration de l'ordre de la noblesse aux Etats Généraux pour la conservation des droits constitutifs de la monarchie française, de l'indépendance et de la distinction des ordres.
L'ordre de la noblesse aux Etats Généraux, dont tous les membres sont comptables à leurs commettants, à la nation entière et à la postérité, de l'usage qu'ils ont fait des pouvoirs qui leur ont été confiés et du dépôt des principes transmis d'âge en âge dans la monarchie française; Déclare qu'il n'a point cessé de regarder comme des maximes inviolables et constitutionnelles:
La distinction des ordres;
L'indépendance des ordres.
La forme de voter par ordre.
Et la nécessité de la sanction royale pour rétablissement des lois;
Que ces principes, aussi anciens que la monarchie, constamment suivis dans les Assemblées, expressément établis dans les lois solennelles proposées par les Etats Généraux et sanctionnées par le Roi, telles que celles de 1355, 1357 et 1561, sont des points fondamentaux de la constitution, qui ne peuvent recevoir d'atteintes, à moins que les mêmes pouvoirs qui leur ont donné force de loi ne concourent librement à les anéantir.
Annonce que son intention n'a jamais été de se départir de ces principes, lorsqu'il a adopté, pour la présente tenue d'Etats seulement, et sans tirer à conséquence pour l'avenir, la déclaration du Rot du 23 juin dernier, puisque l'article premier de cette déclaration énonce et conserve les principes essentiels de la distinction, de l'indépendance et du vote séparé des ordres;
Que, rassuré de cette reconnaissance formelle, entraîné par l'amour de la paix par le désir de rendre aux Etats Généraux leur activité suspendue; empressé de couvrir l'erreur d'une des parties intégrantes des Etats Généraux, qui s'était attribué un nom et des pouvoirs qui ne peuvent appartenir qu'à la réunion des trois ordres; voulant donner au Roi des preuves d'une déférence respectueuse aux invitations réitérées par sa lettre du 27 juin dernier, il s'est cru permis d'accéder aux dérogations partielles et momentanées que ladite déclaration a portées aux principes constitutifs;
Qu'il a cru pouvoir (sous le bon plaisir de la noblesse et des bailliages, et en attendant ses ordres ultérieurs) regarder cette exception comme une confirmation du principe qu'il est plus que jamais résolu de maintenir pour l'avenir;
Qu'il s'y est cru d'autant plus autorisé que les trois ordres peuvent, lorsqu'ils le jugent à propos, prendre séparément la délibération de se réunir en une seule et unique Assemblée. Par ces motifs, l'ordre delà noblesse, sans être arrêté par la forme de la déclaration lue à la séance royale du 23 juin dernier, l'a accepté purement et simplement.
Conduit par des circonstances impérieuses pour tout fidèle serviteur du Roi, il s'est rendu le 27 juin dans la salle commune des Etats Généraux, et invite de nouveau les autres ordres à accepter la déclaration du Roi. L'ordre de la noblesse fait au surplus la présente déclaration des principes de la monarchie et des droits des ordres, pour les conserver dans leur plénitude, et sous toutes les réserves qui peuvent les garantir et les assurer. Fait et arrêté à la Chambre de l'ordre de la noblesse, sous la réserve des pouvoirs ultérieurs des commettants, et des protestations ou déclarations précédentes d'un grand nombre de députas de différents bailliages.