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16 Oct

16 octobre 1793: 11H15

Publié par Louis XVI  - Catégories :  #Octobre, #[1789-1793]

11H 15

La voiture s'ébranle avec fracas

le comédien Grammont, à cheval, l'épée à la main, la précède, les gendarmes l'entourent, les hommes à piques suivent

La grande grille s'ouvre

La foule est muette, sans murmure, sans insulte, elle regarde passer celle qu'elle acclamait il y a vingt ans

Marie-Antoinette droite et fière semble insensible et semble ne rien entendre et paraît ne rien voir de ses yeux immobiles et injectés de sang

En traversant le pont a-t-elle regardé les tours de la Conciergerie...Son dernier palais.

A sa fenêtre, Fouquier a, sans doute, abandonné ses dossiers pour voir passer le cortège

30 000 hommes de troupes sont échelonnés le long du parcours

L'épouvantable trajet, sous les quolibets de la foule qu'excite un comédien à cheval, prendra presque une heure.

A l'entrée de la rue Saint-Honoré, les clameurs de haine se font entendre

une minute la voiture s'arrête; Marie-Antoinette regarde autour d'elle

un enfant, tout souriant, soulevé par sa mère, lui envoie un baiser

Le sang afflue alors à ses pommettes, ses yeux se remplissent de larmes

En ce moment, au Temple, le petit roi éclate de rire avec les municipaux, tandis que dans la crypte de Saint-Denis on est en train, sur l'ordre de la Convention, d'ouvrir les cercueil du premier dauphin, mort à Meudon il y a quatre ans, et de jeter son corps dans la fosse commune

Au milieu des cris, la charrette repart brutalement; la Reine manque de perdre son équilibre

une voix gouailleuse lance:

"Ah ! ce ne sont pas là tes cousins de Trianon !"

Les cris de Place à l'Autrichienne ! et de Vive la République ! éclatent, mais Antoinette ne semble rien entendre

Ses yeux se posent avec indifférence sur les façades étroites des maisons où les oriflammes tricolores et les insignes révolutionnaires se balancent mollement...

La charrette passe devant l'arcade surmontant le passage conduisant aux Jacobin

un pannonceau porte une inscription:

"Ateliers d'armes républicaines pour foudroyer les tyrans"

Elle semble n'avoir pas lu facilement et, pour la première fois, se tourne vers le prêtre et l'interroge

L'abbé qui, depuis le départ, n'a pas quitté des yeux un petit christ d'ivoire, va répondre...lorsque soudain Grammont "élève son épée, la brandit en tous sens" et, se redressant sur ses étriers hurle:

"LA volilà, l'infâme Antoinette, elle est f...mes amis !

Des vociférations lui répondent

Sur les marches de l'église Saint Roch, des tricoteuses, bonnet rouge en tête et pique au poing, hurlent

LA rue Saint Honoré parait interminable

Elle la connait bien pourtant !

Combien de soirs ne l'avait-elle pas suivie dans son carrosse tiré par huit chevaux blancs ?

Sur son passage le canon des Invalides tirait une salve, puis, de loin, celui de la Bastille répondait

Paris mobilisait ses gardes et ses cavaliers du guet pour veiller sur sa Souveraine

Paris plaçait douze canons place Louis XV qui tiraient lorsque passaient les vingt gardes du Roi galopant autour de ce carrosse or et argent où une jeune femme décolletée, la coiffure démesurée, toute perdue au milieu de ses paniers xhatoyants, riait si joliment

La jeune reine de vingt ans, la jeune reine du plus beau royaume du monde, se rendait à l'opéra

En ce matin d'octobre, elle se rend à l'échafaud

LA foule se fait encore plus dense

non loin de la demeure de Robespierre, devant la maison portant le numéro 404, une mère, en entendant approcher le cortège, dit à sa fille:

"Surtout ne va pas pleurer quand tu la verras, tu nous ferais guillotiner"

La charrette passe:

"elle saute sur le pavé et on l'entend craquer comme si elle allait se rompre"

Un cri poussé par une femme soufflette la Reine:

"A mort l'Autrichienne !"

Elle regarde avec une "expression de mépris" qui s'efface aussitôt: elle a reconnu une ancienne femme de chambre du château

Devine-t-elle aussi, à l'angle d'une rue, un groupe "d'honnêtes gens", simplement mis; ce sont nos perruquiers, anéantis...Ils sont à peine 80; une trentaine de petits commerçants et d'ouvriers du quartier des Arcis et 52 volontaires venus de Vannes

Les mouchards ont agi

La police a fait son devoir et noyauté le mouvement

Désespéré, le petit décrotteur a eu beau crier:

"Il faut se porter chez les gros marchands qui ne demandent pas mieux que de la soustraire aux bourreaux !"

Les perruquiers se sont bien rendu compte que tout était fini

La charrette a passé

Ils restent là, plantés, hagards, attendant que la police vienne les cueillir

Midi sonne

 

Elle descend sans aide, monte les marches de l'échafaud, "à la bravade", rapporte un témoin.

Va-t-elle marcher sur le pied du bourreau ?

Perdre sa chaussure ?

Ou se taire en faisant choir son bonnet d'un mouvement crâne ?

Voilà le récit qu’on trouve dans le livre Histoire de la Conciergerie du Palais de Paris : depuis les origines jusqu'à nos jours (1031-1886) par Eugène Pottet, œuvre publiée en 1887 par Quantin à Paris (pp. 197-198)

Une demoiselle Fouché, fille d'une revendeuse de la rue Saint-Martin qui avait recueilli M. l'abbé Magnin (pendant la révolution M. Charles), parvint, après des efforts inouïs, à pénétrer dans le cachot de la Reine.

Son but était d'adoucir son sort, autant que cela était matériellement possible et de lui faciliter l'obtention de secours religieux.

Bien que contestés par plusieurs auteurs, les faits que nous allons raconter, paraissent cependant véridiques.

Suivant M. le comte de Robiano (Fragments historiques), Mlle Fouché, après argent donné à Richard (prédécesseur de Bault), fut introduite auprès de la Reine au milieu de la nuit

Elle la trouva levée.

Tout d'abord, Marie-Antoinette se montra surprise et défiante.

Mlle Fouché, après avoir parlé avec elle, lui offrit quelques aliments et lui manifesta l'intention de manger la première, mais elle n'obtint pas de réponse satisfaisante.

En la quittant, elle lui demanda si elle devait revenir

« Comme vous voudrez », lui répondit la Reine.

Voici, du reste, le récit de Mlle Fouché à ce sujet :

« La Reine fut surprise de mon apparition. Elle fut d'abord dans la crainte, mais elle comprit bientôt qu'elle pouvait avoir toute confiance en moi et que je lui étais toute dévouée. Je lui parlais de M. l'abbé Magnin et je lui proposai de lui conduire cet excellent prêtre.

« Mais, répondit-elle, vous en connaissez donc un qui ne soit pas jureur?

« Rassurée sur ce point, auquel elle attachait la plus grande importance, il fut convenu que je chercherais à lui amener M. l’abbé Magnin.

« Richard, voyant que nous avions grand soin de ne pas le compromettre consentit à ouvrir le cachot à l'abbé Magnin.

« La reine se confessa, plusieurs fois, à lui, et environ quinze jours après son admission, ce saint prêtre lui apporta la communion dans une boîte suspendue sur sa poitrine. »

Quelques jours après, Marie-Antoinette voyant arriver le moment de son jugement, pria Mlle Fouché de demander au nouveau concierge, Bault, d'autoriser l’abbé Magnin à lui dire la messe.

Cette faveur fut accordée.

L’abbé Magnin apporta tout ce qui était nécessaire pour cette cérémonie et dit la messe sur une simple table recouverte d'un linge.

La Reine communia, paraît-il, ainsi que deux des gendarmes (1) chargés de la garder, pendant que deux autres envoyaient de la famée de tabac à travers le paravent qui les séparait du cachot.

M. Charles (l’abbé Magnin) aurait revêtu pour pénétrer dans la prison un uniforme de garde national.

La communion de la Reine à la Conciergerie a été mentionnée par Rosalie Lamorlière.

Il en est question dans les ouvrages de Campardon, de Troche, dans les « Souvenirs » de Mme la marquise de Créquy, dans le Dictionnaire historique (t. VIII), dans la Déclaration du vicomte de Walsh, etc.

Enfin une peinture de Drölling (1817), qui se trouve encore actuellement dans le cachot de la Reine, en a consacré le souvenir.

Ce tableau, dit Communion de la Reine, représente, outre la prisonnière, M. l’abbé Magnin, Mlle Fouché et les deux gendarmes.

Cet acte religieux accompli, on s'explique dès lors parfaitement que la Reine ait refusé, à ses derniers moments, les secours du prêtre qui lui fut envoyé, M. Girard, prêtre assermenté, ancien curé de Saint-Landry.

On ajoute, du reste, que M. l’abbé Magnin (2), tombé malade, peu de temps avant l'exécution de la Reine, avait été remplacé auprès d'elle par M. Cholet, prêtre vendéen, qui lui donna les sacrements la surveille de sa comparution devant le tribunal révolutionnaire.

______________

(1) L'un était officier, l'autre simple brigadier

(2) M. l’abbé Magnin est mort curé de Saint-Germain-l'Auxerrois. Il avait quatre-vingt-trois ans.

On a cité pour contredire le témoignage de Mlle Fouché ces mots de la Reine dans sa dernière lettre ou « testament » :

« Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine, dans celle de mes pères, dans celle où j’ai été élevée et que j’ai toujours professée, n’ayant aucune consolation spirituelle à attendre, ne sachant pas s’il existe encore ici des prêtres de cette religion, et même le lieu où je suis les exposerait trop s’ils y entraient une fois. »

Mais il est tout à fait naturel que Marie-Antoinette écrivît de cette façon pour dérouter ses bourreaux, qui allaient assurément lire sa lettre adressée à Madame Elisabeth : elle en effet ne voulait aucunement compromettre le prêtre qui avait risqué sa liberté et même sa vie pour la secourir spirituellement.

On peut donc croire pieusement, avec fondement, qu'elle mourut en Reine Très Chrétienne.

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